Une vaste opération de sauvegarde d’un important plan d’eau du secteur Saint-Grégoire, à Bécancour, sur la Rive-Sud de Trois-Rivières, prendra fin cette année après trois phases de plantation de bandes riveraines sur des terres agricoles.
Aux prises avec un problème de pollution qui découle des activités agricoles, le lac Saint-Paul était devenu l’un des pires au Québec. C’est ce que concluait un Diagnostic préliminaire mené par l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), à l’automne 2014.
La situation était telle qu’à certains endroits, il y avait même autant de vase que d’eau dans ce lac d’environ quatre mètres de profondeur. Si bien qu’il émettait parfois des odeurs nauséabondes. La qualité de son eau était également inquiétante en raison de la concentration de phosphore. Ce qui la rendait trouble et faisait augmenter les épisodes d’algues bleu-vert.
Ce vaste étendu – sur lequel des Acadiens avaient érigés un chantier naval après s’y être réfugiés pour éviter la déportation – était pourtant un joyau écologique à une époque pas si lointaine. Son rétablissement était donc primordial puisqu’il joue un rôle crucial en raison de sa plaine inondable et sa connexion avec le fleuve Saint-Laurent.
Sans oublier que plusieurs espèces de poissons, dont la perchaude, viennent s’y reproduire. De la sauvagine et des espèces vulnérables y ont été répertoriés. Le lac est aussi bordé de la réserve écologique Léon-Provancher qui protège des milieux humides et un cortège floristique extrêmement rare.
80 propriétaires concernés
Une vaste opération a donc été lancée par le comité de ZIP (zone d’intervention prioritaire) Les 2 Rives, en collaboration avec des intervenants du milieu, dont le syndicat local de l’UPA et le MAPAQ, mais encore fallait-il convaincre les agriculteurs concernés. Au total, ce sont 80 propriétaires qui étaient touchés dans un bassin versant regroupant 14 cours d’eau.
Ceux-ci n’ont pas hésité à sacrifier un peu de terrain afin d’élargir les bandes riveraines et contribuer à améliorer la qualité de l’eau. « On a été agréablement surpris de la réponse des agriculteurs. Près de 90% sont en accord et ont adhéré à la démarche, raconte la directrice générale Mylène Vallée. On allait caractériser chez eux et on leur présentait un plan d’action personnalisé. On leur proposait certains secteurs qu’on identifiait et on leur faisait signer un formulaire de consentement. »
Les cultivateurs identifiés décidaient par la suite s’ils préféraient une plantation d’un, deux ou trois mètres. « En principe, selon la loi, les agriculteurs sont supposés laisser trois mètres de bande riveraine. On n’est pas là pour jouer à la police, mais on leur propose une alternative, ajoute-t-elle. Un mètre, c’est juste une ligne. Ce n’est pas beaucoup. Comme c’est un terrain qui est plat, c’est quand même efficace. »
« Ce qu’on entend sur le terrain, c’est que le premier mètre n’est pas le plus rentable à cultiver. Ce n’est pas évident de se coller sur le cours d’eau avec la machinerie. Assez souvent, les agriculteurs compactent le bord du cours d’eau. Ce qui favorise le décrochage et la perte de sol. »
45 kilomètres de bandes riveraines protégés
L’opération de sauvegarde a été entreprise à l'automne 2017, avec neuf kilomètres de bandes riveraines implantés dans des cours d'eau tributaires du lac Saint-Paul. Au total, 9 000 arbustes favorisant la pollinisation des cultures ont été plantés.
Puis, en 2018, six kilomètres de bandes riveraines ont été ajoutés au printemps, puis dix autres à l'automne. Cette année, vingt kilomètres supplémentaires sont prévus au printemps et à l'automne.
«On a couvert pas mal tout le bassin versant. Une fois que ce sera terminé, nous aurons 45 kilomètres de bandes riveraines de planter. Nous sommes en réflexion pour voir si on ne fera pas une phase 3, l’an prochain. Pour donner une dernière chance à ceux qui n’ont pas voulu embarquer au départ et qui voudrait le faire, maintenant qu’il voit la forme que le projet a pris », soulève Mylène Vallée.
Si quelques signaux positifs ont été décelés sur la qualité de l’eau lors des différents prélèvements d’échantillons, depuis le début du projet, on hésite à dire s’il y a eu de réels impacts sur le lac Saint-Paul.
On estime qu’il faudra au moins 5 à 10 ans avant de voir les effets sur la qualité de l’eau et la problématique de sédimentation. «Parce que pour le moment, les arbustes sont encore trop jeunes. C’est quand ils seront à maturité qu’on pourra bien mesurer leur impact, estime la directrice générale du Comité ZIP Les 2 Rives. On fera possiblement faire une autre étude, à ce moment-là, pour pouvoir comparer les données entre les deux.»