Dans ma chronique du mois dernier portant sur la campagne électorale, je sollicitais les futurs élus pour qu’ils dévoilent leurs véritables intentions à l’égard de la protection des producteurs agricoles. Au-delà de la gestion de l’offre, la situation de nos producteurs agricoles exige qu’il faille arrêter les faux-fuyants et les paroles creuses. Force est de constater que mon vœu n’a pas été exaucé et que l’engagement à l’égard du monde agricole n’a plus l’importance de jadis.
À preuve, au moment d’écrire cette chronique, les producteurs laitiers sont toujours en attente du versement de leurs compensations. Pourtant, lors de la signature des ententes, le gouvernement avait promis diligence et rapidité dans le versement des compensations.
Aujourd’hui, le monde agricole ne représente plus une force politique!
La campagne électorale étant terminée, j’en tire une conclusion évidente que, jamais, me semble-t-il, aurait pu être possible voilà à peine dix ans. Aujourd’hui, le monde agricole ne représente plus une force politique, il a perdu au fil des dernières années tout son poids.
À la dernière campagne électorale, les politiciens fédéraux nous ont démontré l’avoir bien compris. En effet, malgré toutes les difficultés vécues par le milieu agricole, on n’a peu discuté de leurs problématiques, voire, elles sont restées sous le tapis ou le radar de nos bien-pensants.
L’autosuffisance alimentaire du Québec, une des pièces maîtresses du nationalisme québécois au cours des années 1980 et 1990, ne fait plus partie du décor ni des sujets de discussion. Pourtant, ce sujet me semble plus que jamais d’actualités au moment où, sur la place publique, les manifestations à l’égard d’actions pour contrer les changements climatiques se multiplient. On oublie trop facilement que les ententes commerciales signées dernièrement par notre gouvernement suscitent la multiplication de transports de produits agricoles et, par le fait même, de production d’effet de serre.
Plusieurs voix pour porter le message des agriculteurs
La vision de l’autosuffisance alimentaire est complètement derrière nous ; elle ne fait plus partie des préoccupations ni des intentions de nos leaders politiques alors que ce devrait être le contraire. Sans verser dans la paranoïa, je soupçonne même que cette disparition de l’autosuffisance alimentaire dans le discours desserve les intérêts de l’UPA. Dans la situation actuelle, plusieurs parlent haut et fort pour qu’il y ait un seul porte-parole du milieu agricole et pour que ce dernier reste uni et fort. Il me semble que le message serait amplifié s’il y avait plusieurs voix pour le porter.
L’urbanisation des territoires ruraux notamment dans les couronnes autour des onze grandes villes du Québec a bien changé la donne. Le nombre d’exploitations agricoles n’a cessé de diminuer au Québec. Bientôt, partout au Québec, les agriculteurs ou les éleveurs dérangeront la tranquillité des urbains venus s’installer en milieu rural. Ces derniers souhaitent de plus en plus jouir de l’air pur, de la beauté des paysages bucoliques, et ce, sans les désagréments suscités par le travail de la terre.
La sourde oreille des politiciens
Il ne faut pas se leurrer plus longuement : dorénavant les politiciens feront de plus en plus la sourde oreille face aux récriminations agricoles puisque le poids politique des agriculteurs a perdu de sa vigueur. Je demeure persuadé que la stratégie privilégiée actuellement par l’UPA voulant à tout prix être la seule et l’unique représentante du milieu agricole ne favorise pas un rapport de force suffisant pour renverser la tendance. De plus, il faut également se rendre à l’évidence que les seules campagnes publicitaires pour vanter l’achat des Aliments made in Québec ne pourront, à terme, contrer l’invasion massive des produits étrangers et favoriser une croissance économique de nos producteurs.
Sans vouloir prêcher à tout prix un retour à la politique d’autosuffisance alimentaire, le Québec rural a bien besoin d’une formule ou d’un leitmotiv plus stimulant que les accords commerciaux avec l’Europe ou de l’accord de partenariat transpacifique.
Il a besoin d’une formule véhiculée par plus d’un groupe pour l’aider à reconquérir son importance politique et son statut qu’il n’aurait jamais dû perdre auprès des politiciens. Les femmes et les hommes qui cultivent notre terre et qui nous permettent de manger sainement ont droit à cette reconnaissance politique et, surtout, qu’on les écoute et qu’on comprenne leurs besoins.