C’est une belle histoire comme le dit si bien la célèbre chanson de Michel Fugain : Tout est parti d’une cinquantaine de producteurs de lait établis à l’est de la Saône qui tiraient la langue depuis des mois à la fin des quotas laitiers en France. Les salaires des producteurs variaient alors de 350 à 1000 euros par mois. Avec la fin de la régulation, c’était la jungle : les prix payés aux producteurs chutaient. Mais un homme a eu une idée : réaliser un lait souhaité par le consommateur. L’homme en question, c’est Nicolas Chabanne.
Retour sur l’été 2016
À L’été 2016, la crise du lait est telle que les producteurs gagnent à peine 20 centimes d’euros le litre en France. La fin des quotas a été annoncée en 2007, mais le bazar commence en 2015 à la fin du système des quotas.
Nicolas Chabanne évoque une solution:Et si chaque consommateur acceptait de payer quelques centimes de plus la brique de lait, les producteurs seraient sauvés!
Le tout début
Dans la tête de Nicolas Chabanne ça date de loin le projet d’écouter le consommateur: « Ma vraie révélation c’est une discussion un jour dans ma région avec un producteur de fraises succulentes, le père d’un copain d’enfance. Il me raconte que les gens qui viennent dans sa ferme lui acheter des barquettes sont prêts à mettre le prix. Parce qu’elles sont bonnes, et parce que c’est lui : Ils le connaissent. En revanche, lorsqu’il vend ces mêmes barquettes en supermarché il est moins bien payé. Je lui ai dit : mais il faut mettre ton nom et ta photo dessus1». Est né ce jour-là, Le petit producteur, une mise en valeur des producteurs de Provence et du Roussillon.
À grande échelle aujourd’hui, C’est qui le parton, c’est un peu ça ! La suite des fraises promues par le nom et la photo du producteur sauf que l’opération est collective.
Les associés bien choisis !
Ayant observé le fonctionnement des marques génériques des «grandes marques», Nicolas Chabanne a l’idée d’une marque générique du consommateur qui paye mieux le producteur.
Il fait appel à Laurent Pasquier un spécialiste des algorithmes qui a déjà bûché sur un site précurseur : mesGoûts.fr
De là partent les questionnaires aux consommateurs : les vraies questions enfin posées aux consommateurs. Les 6923 personnes qui répondent aux questionnaires souhaitent tous un lait de qualité qui paye confortablement le producteur.
Chabanne dit : « On a cassé le mythe du consommateur qui veut juste le prix le moins cher sur trois valeurs maitresses: qualité,équité, transparence».
Parmi les critères retenus par les consommateurs sondés: sans OGM, fourrages locaux, pâturages 6 mois par an !
Contrer la crise
En décembre 2015, un conseiller du ministre de l’Agriculture l’appelle. «Nicolas t’aurais pas une idée pour la crise du lait ? On s’en sort pas…».
Cette année-là, sur un litre de lait vendu 77 centimes au consommateur il manque environ 7 centimes au producteur. Vue la consommation de 53 litres en moyenne par an et par français le manque à gagner pour l’équilibre pour les producteurs est de 4 euros par an et par français.
Au printemps 2016, la crise du lait fait des ravages et plusieurs producteurs sont en faillite, les suicides se multiplient. Nicolas Chabanne déploie tous ses contacts : le 3e homme de la situation, c’est Emmanuel Vasseneix, opérateur de laiterie de père en fils. Ses camions collectent chaque année 300 millions de litres dans 16 départements. Le 4e homme à le rejoindre s’appelle, Bertrand Sviderski pour le lien avec le distributeur Carrefour.
Les distributeurs jouent le jeu
Nicolas Chabanne cet homme qui dans le passé a brillé pour ses idées innovatrices partout où il est passé, obtient le soutient des distributeurs. Carrefour et ses 5500 magasins embarquent dans l’aventure.
Au début les producteurs sont sceptiques : là où les experts du ministère, les ingénieurs de l’INRA, les types de l’Union européenne n’ont pas réussi, comment croire à des solutions émises par un homme pas vraiment connu du milieu ?
Pari réussi
Mais oui, ‘’C’est qui le patron’’ a changé la donne pour plusieurs agriculteurs. L’idée était tout simplement «de demander aux consommateurs quel type de produit ils veulent», peut-on lire dans le livre qui raconte l’histoire très particulière de ‘’C’est qui le patron’’ !
On y apprend que la vertu de C’est qui le patron est de renverser la donne, «la verticalité qui prévalait avant».
Out le marketing !
Le système implanté par C’est qui le patron rompt avec le fonctionnement habituel des marques qui créent et vendent à grand renfort de marketing et de publicité, ce qui entretient une vieille vision du consommateur qui doit «se contenter de pousser son Caddie et d’acheter».
«Surtout pas de com’ juste le produit et le bouche-à-oreille» dit Chabanne. Il répète : «Qui croit encore à la fermière qui brasse le yaourt à la main quand tout est industriel?».
Chabanne va de médias en médias, et déclare qu’il souhaite des producteurs qui se lèvent avec le sourire et se couchent avec le sourire. Plusieurs le traitent de zinzin, mais il a aujourd’hui fait la démonstration que son idée est rentable.
Le succès est au rendez-vous et observé par le monde entier
Après un an de lancement en novembre 2017 le lait dit «de la brique bleue» est le produit ‘’issu d’une nouvelle marque’’ le plus vendu de l’histoire : 33 millions d’unités.
En 2018 c’est qui le patron a vendu 120 millions de produits – 75 % constitué de lait – pour «un chiffre d’affaires de plus de 3,5 millions est des bénéfices 927 000 $ la moitié reversée à l’impôt, se plait à dire Nicolas Chabanne.
En plus d’avoir redonné le sourire à des producteurs, C’est qui le patron fait travailler une douzaine de personnes et Nicolas Chabanne l’assure, les surplus sont réinvestis pour créer un trésor de guerre et assurer l’avenir !
Salué par des chercheurs
Pour Béatrice Bellini chercheuse à l’université de Nanterre, spécialisée en développement durable dit : «Ils ont une manière différente de vendre des produits qui respecte l’humain et la nature».
Plusieurs pays s’intéressent maintenant à C’est qui le patron dont la Belgique et l’Espagne. Nicolas Chabanne dit développer dans plusieurs pays outre la France : le Maroc , l’Italie, la Grèce, la Belgique, l’Espagne. Et il semblerait que de ce côte-ci de l’Atlantique aussi le Canada s’intéresse au concept, confie Nicolas Chabanne dans son livre.
Voilà une histoire française qui pourrait révolutionner un jour une façon de consommer les produits laitiers au Canada.
Cette histoire démontre que la volonté de producteurs peut entrainer des belles occasions d’affaires et comme le dit si bien Nicolas Chabanne : « On n’a pas demandé aux géants de l’agro si on pouvait changer les choses on l’a fait!».
Voir l’entrevue vidéo de Nicolas Chabanne sur www.lvatv.ca