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Sapucello et l’allégorie du lait québécois

La rigidité intellectuelle nous affecte tous à divers degrés. Quand on vit quotidiennement dans un monde de conflits d’intérêts, on ne les voit plus. C’est notre normalité.  Ceux de l’extérieur  qui veulent nous faire voir une autre vérité  doivent franchir une forteresse imprenable.

Je vous donne  un cas fictif, appelez ça Sapucello et l’allégorie du lait.

Sapucello détient un avantage historique de négociation dans le marché pour ses approvisionnements en lait et ses conditions d’achat. Le monde a changé radicalement  donc  il négocie maintenant uniquement  pour lui-même.  Pendant ce temps les  90 autres entreprises, y compris Agropur, doivent faire une négociation préalable au CILQ avant de faire face à Sapucello. Donnez-moi un tel avantage sur mes compétiteurs et soyez certains que je m’en sers abondamment et avec le temps, je les domine. Je m’en sers pour des raisons de compétitivité pendant des années et parce que trop technique, personne ne s’en rend compte.

Injuste me direz-vous! Oui.

Ce n’est pas tout. Je vous admets en chuchotant  que 50% des producteurs avec qui je négocie sont actionnaires de Sapucello et encore, 50% des gens présents à la table de négociation sont aussi de fidèles actionnaires. Cet actionnariat augmente indirectement leur paye. Sapucello n’est pas seulement des deux côtés de la table de négociation, elle est partout. Même le Président de l’UPA est actionnaire de Sapucello. Vous me direz alors que mon histoire se passe  dans une république de banane. Fin de l’allégorie.

Il n’y a qu’un seul mot pour décrire cette situation : inacceptable, à moins qu’on soit dans les bananes.

Remplacez dans mon histoire fictive  « Sapucello » par « Agropur » et on est maintenant dans la réalité quotidienne  du Québec et tout devient normal. Tout est acceptable. Voyez-vous les pirouettes de  notre rigidité intellectuelle?

Saputo livre ce combat seul et de façon maladroite. Une partie de la situation décrite dans sa demande  à la Régie résulte de son attitude face aux producteurs depuis 20 ans, alors qu’auparavant c’était le contraire. Saputo aurait pu jouer un important rôle de leadership au CILQ et au Québec  et aurait gagné cette bataille facilement, mais ce n’était pas son choix.

Les arguments  archi- techniques dans sa demande sont une invitation à envoyer le texte dans le petit contenant rond sur le plancher plutôt que  dans celui qui est rectangulaire sur le bureau. Saputo n’est pas le plus gros contributeur du CILQ tel qu’affirmé.

Les chiffres mentionnés en public dans le texte permettront à d’autres membres que Saputo de comprendre qu’ils payent proportionnellement beaucoup plus au CILQ que Saputo. Erreur.  Saputo s’en sauve avec deux membres du CA dont elle se plaint en payant moins que les autres qui n’en ont qu’un. Un seul membre de qualité est suffisant pour avoir une très grande influence sur un CA. Pour gagner en pouvoir dans une communauté, il faut s’investir en temps, en préparation et en qualité de la représentativité. Finalement, plusieurs de ces questions sont internes au CILQ et ne relèvent pas de la Régie.

La multiplication des accréditations proposée enlèverait considérablement de pouvoirs aux transformateurs et renforcerait celui de la Régie, un tiers,  qui n’a jamais favorisé Saputo. De plus, aucun régisseur ne m’a convaincu de sa capacité de comprendre la vraie concurrence dans le marché alors que l’éléphant dans la salle est justement l’avantage concurrentiel indu qu’on donne à Agropur à perpétuité.

Avec l’ effet « uppercut » de Mike Tyson, le ministre n’aura plus les jambes bien solides!

Demander une réforme du système à la Régie serait s’exposer au type de  rigidité intellectuelle mentionné et c’est assumer qu’elle serait  capable seule de prendre une décision de cette envergure. Je n’en suis pas certain. Une décision qui pourrait avoir l’effet de mouvements de plaques tectoniques.  Quand l’UPA et des milliers de producteurs membres d’Agropur se rendront à Québec, ce sera l’effet « uppercut » de Mike Tyson, le ministre n’aura plus les jambes bien solides. Au Conseil des ministres on parlera de paix sociale plutôt que de justice sociale et dès lors, ce sera la fin pour Saputo et par extension, pour les 90 autres transformateurs.

Je n’ai rien contre Saputo. Au contraire, j’ai eu dans le passé  l’honneur de répondre favorablement à l’invitation du Gouverneur général du Canada de recommander M. Saputo pour la médaille de l’Ordre du Canada. J’ai toujours apprécié cette famille et cette compagnie qui ont fait la fierté du Québec.

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