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Run de lait, quand l’art est au cœur des débats qui animent nos vies

Quelle peut être la place de l’artiste dans une société du savoir se demandait Pierre-Alain Four, docteur en science politique, artiste, auteur et metteur en scène dans un document produit en 2009 pour le Grand Lyon en France sous le thème Vision Culture. Avec sa pièce Run de lait, Justin Laramée nous fait la démonstration que la culture peut être au centre des débats qui animent nos vies.

Il ressortait des écrits de Pierre-Alain Four que l’artiste est aujourd’hui au cœur des débats de la société, s’en inspire, les exprime et les fait avancer : «L’artiste n’est plus cet être éthéré que lui assigne la vision romantique, mais un individu en prise avec les réalités du monde, et qui traite de celles-ci dans ses œuvres. Il pose des questions à son environnement, élabore des problématiques et des hypothèses, repère, construit et utilise des outils pour y répondre et propose le résultat de ses réflexions via des œuvres. Avec son langage spécifique, avec des objectifs qu’il se donne, l’artiste produit des questions et des émotions, des alertes et des sensations. Il revisite le savoir établi, et une partie de son travail peut être assimilée à une production de connaissances». C’est ce que Justin Laramée, à l’origine de la pièce Run de lait qui débute le 1er mars prochain au Grand théâtre de Québec nous démontre. Il sera accompagné sur scène de Benoit Côté, comédien et musicien.

L’artiste, un chercheur à sa façon

«N’est-il pas alors envisageable de rapprocher l’artiste de l’intellectuel, dont l’activité est de s’interroger sur le monde ? L’artiste n’est-il pas aussi proche du chercheur par certaines de ses modalités de travail ? Ne faut-il pas alors recenser les points communs entre chercheurs, intellectuels et artistes ? Envisager l’artiste comme un producteur d’idées et de savoirs, pourrait s’avérer une perspective porteuse, à un moment où les sociétés occidentales cherchent un nouveau souffle pour leur développement, en s’orientant vers la production de connaissances.», écrivait alors Pierre-Alain Four.

Une pièce en partie inspirée du livre La crise agricole

La Vie agricole a rencontré à plusieurs reprises au fil des dernières années cet artiste du Québec, Justin Laramée, qui semble correspondre point pour point à cette définition avancée par le docteur en science politique français Pierre-Alain Four.

Justin Laramée, ce créateur, comédien, scénariste est venu nous voir dès 2017 suite à la lecture du livre coécrit par Simon Bégin, Yan Turmine et moi-même : La crise agricole, la fin des fermes laitières traditionnelles au Québec coédité par La Vie agricole et VLB Édition. Il souhaitait en partie s’en inspirer pour réaliser une pièce théâtrale qui il faut bien le dire est un docu-théâtre que tout producteur, tout décideur, tout acteur de la chaine d’alimentation devra aller voir pour approfondir sa réflexion.

Un artiste réussit la mise en lumière des enjeux du secteur laitier

Qui pouvait penser il y 4 ans de cela que cette première rencontre aboutirait sur un spectacle aussi époustouflant sur la réalité du secteur laitier, sur ses forces, ses faiblesses et ses doutes. Justin Laramée a su à travers la pièce Run de lait qu’il présente au Grand Théâtre (Le Trident) à Québec à compter du 1er mars puis ensuite en région dans diverses villes et à Montréal au théâtre La licorne, comprendre et ressentir à la fois  la fierté du monde agricole, sa complexité et ses craintes concernant l’avenir que lui réserve les traités internationaux, la dynamique engendrée par les transformateurs ou l’inertie souvent acceptée par les décideurs.

Le nouveau souffle dont a besoin le secteur laitier vient par la culture

Justin Laramée réussit un tour de force avec un spectacle qui fera date (et si je peux me permettre de dire ceci sans avoir encore vu la production sur scène c’est parce qu’il a accepté de me permettre de lire le texte avant la première. Dans mon passé ayant eu à œuvrer au sein de compagnies de théâtre j’ai une certaine aisance à lire des textes encore bruts destinés à la scène).

Avec Run de lait, nous avons là une perle rare : une pièce documentaire, drôle, réaliste et audacieuse. Assurément le public ne s’ennuiera pas. Il sera même interpellé et c’est là où cela nous ramène aux propos de Pierre-Alain Four qui a totalement raison : l’artiste est un producteur d’idées et de savoirs à un moment où les sociétés occidentales cherchent un nouveau souffle pour leur développement.

Chaque personne rencontrée par Justin Laramée au cours de sa quête nous mène  vers un autre acteur du secteur laitier et ainsi la pièce vous mènera d’une psychologue à une productrice ayant perdu son mari par suicide à des producteurs propriétaires d’exploitations laitières de différentes tailles, à des experts du monde du lait, en passant par des transformateurs et des décideurs politiques. Toute l’œuvre à la fois didactique et pédagogique sur la composition du lait et la réalité des troupeaux est aussi un véritable pamphlet qui permettra à chacun d’entre vous de réfléchir à sa consommation et au rôle que nous voulons donner aux agriculteurs du Québec, c’est-à-dire ceux qui nous nourrissent et qui sont le ciment de la société québécoise.

«Aujourd’hui, il y a de multiples manières d’être un artiste. Un artiste peut tout à la fois prendre position, produire du beau, entreprendre une réflexion sociale voire contribuer à la faire bouger», écrit Pierre-Alain Four.

Avec Run de lait, Justin Laramée et Benoit Côté réussissent sur tous les enjeux et espérons même à faire bouger la société, mais cela, seul l’avenir le dira.

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