Le propriétaire d’un lot exploité à des fins agricoles peut, sous certaines conditions, contraindre son voisin à faire abattre, sur une largeur maximale de 5 mètres de la ligne séparant son lot de celui de son voisin, des arbres qui nuisent sérieusement à l’exploitation agricole de son lot. Ce droit prévu au Code civil du Québec est plus connu sous l’appellation de « droit au découvert ». Mais attention, il faut bien respecter les critères et conditions encadrant ce droit, à défaut de quoi l’exploitant pourrait faire face à de sérieuses conséquences pécuniaires.
Tout d’abord, il faut être propriétaire du lot exploité à des fins agricoles pour pouvoir contraindre un voisin à abattre des arbres. En effet, le locataire d’un lot ou encore le simple détenteur d’une servitude de passage sur un lot, par exemple, ne pourrait contraindre le voisin de ce lot à abattre des arbres en se prévalant du droit au découvert.
Par ailleurs, il faut aussi démontrer que les arbres nuisent effectivement et sérieusement à l’exploitation agricole. Les arbres doivent occasionner un trouble réel, grave et persistant qui empêche ou gêne l’exploitation agricole. En effet, tout est affaire de circonstances en cette matière. Selon le cas, des branches basses empêchant de passer sur une partie du terrain, de l’ombre excessive ou la déjection d’aiguilles acides entravant la culture du sol sont tous des exemples de situations qui pourraient justifier l’abattage.
Ensuite, il faut que la terre soit en culture et prouver que les arbres sont bien la cause d’un dommage aux cultures. Il faut savoir que le droit au découvert ne constitue pas une obligation pour le voisin de maintenir une zone de 5 mètres de découvert le long de la ligne séparative, mais plutôt la possibilité pour un propriétaire de contraindre son voisin à faire abattre des arbres qui nuisent sérieusement à son exploitation et qui se trouvent à l’intérieur de cette largeur de 5 mètres.
Aussi, il est important de savoir qu’il n’est pas possible de se prévaloir du droit au découvert si les arbres du voisin font partie d’une érablière, d’un verger ou s’ils sont conservés pour l’embellissement de la propriété. Notons que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles définit l’« érablière » comme étant un peuplement forestier propice à la production de sirop d’érable d’une superficie minimale de quatre hectares.
Enfin, il est important de savoir que la loi ne permet pas au propriétaire de la terre agricole de procéder unilatéralement. Il est donc nécessaire d’obtenir le consentement éclairé de son voisin ou, à défaut, une ordonnance de la Cour. Quant aux frais d’abattage, ceux-ci sont normalement à la charge du propriétaire du terrain où se trouvent les arbres à abattre.
À cet égard, même dans les cas où un propriétaire voisin consent à ce que le propriétaire d’une exploitation agricole procède lui-même à la coupe des arbres lui nuisant, nous recommandons d’agir avec grande prudence. En effet, il existe souvent une grande incertitude quant à l’emplacement de la ligne séparative des lots, ce qui est générateur de nombreux litiges entre voisins. En l’absence d’un bornage et de vérifications relatives à la prescription acquisitive, il arrive régulièrement que les propriétaires désireux de se prévaloir du droit au découvert et acceptant de procéder eux-mêmes aux travaux engagent leur responsabilité.
Il faut savoir qu’à défaut de respecter toutes ces conditions et modalités, le propriétaire fautif pourrait se voir imposer des dommages-intérêts visant à compenser les dommages subis par le voisin ainsi que des dommages-intérêts punitifs. En effet, notons que la Loi sur la protection des arbres prévoit, à titre de dommages-intérêts punitifs, qu’une somme pouvant aller jusqu’à 200,00 $ par arbre coupé peut être exigée, cette somme s’ajoutant aux dommages-intérêts visant à compenser les dommages subis par le voisin.
Le droit au découvert peut donc s’avérer un outil utile au propriétaire d’une terre agricole afin de protéger ses cultures, mais il doit être exercé en conformité avec les règles en vigueur.
Maxime Lauzière, avocat Bernier Fournier Avocats inc