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Stocker le carbone dans le sol, une solution dans la lutte aux changements climatiques

Par Marie-Élise Samson

À une époque où le gouvernement cherche à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre au pays, le secteur agricole canadien est identifié comme une source de solutions potentielles. La séquestration de carbone organique dans les sols agricoles est notamment considérée comme une avenue très rentable dans la lutte aux changements climatiques. En effet, augmenter les stocks de carbone dans nos sols sous forme de matière organique pourrait non seulement contribuer à diminuer la quantité de CO2 dans l’atmosphère, mais permettrait également de contribuer à assurer la productivité à long terme de nos terres et à accroître la résilience de nos systèmes agricoles.

On dispose de trois leviers pour augmenter la quantité de carbone organique dans les sols. Le premier consiste à augmenter le taux de photosynthèse par unité de surface, dans l’espace et dans le temps, en adoptant des pratiques comme les cultures de couverture et les rotations de cultures diversifiées incluant par exemple des céréales d’hiver ou des plantes pérennes. Le deuxième levier consiste à maximiser la quantité de biomasses retournée au sol en laissant les résidus de culture au champ. Le troisième consiste à réduire la minéralisation de la matière organique du sol en adoptant des pratiques comme le travail réduit ou le semis direct.

L’adoption à grande échelle de pratiques de gestion bénéfiques (PGB) pourrait donc permettre de réaliser ce potentiel de séquestration de carbone dans les sols agricoles. Or, les pratiques agricoles qui permettent la séquestration du carbone dans le sol varient selon les conditions climatiques et les propriétés du sol. Une PGB donnée peut donc avoir un effet bénéfique sur les stocks de carbone et la santé du sol dans un champ, mais un tout autre effet dans un autre champ, chez un autre producteur, ou dans une autre région du pays.

Bien que nos connaissances sur les facteurs qui influencent la séquestration du carbone dans sols progressent grâce à la recherche, de nombreux défis restent à surmonter pour favoriser l’adoption généralisée de PBG permettant de séquestrer du carbone dans les sols. En effet, malgré la motivation des acteurs publics et privés à déployer de telles stratégies, ce sont les producteurs agricoles qui ont, ultimement, le contrôle sur les leviers permettant d’y arriver. Le défi consiste donc à développer des politiques basées sur la science, mais cohérentes et compatibles avec la réalité et les motivations des producteurs agricoles. Les approches visant à renforcer l’interface entre la science et les politiques devraient donc comprendre des possibilités de conception conjointe et de collaboration.

Cette interface entre la science et les politiques était au cœur de notre projet en tant que boursiers doctoraux à l’Institut canadien des politiques agroalimentaires. En travaillant en équipe multidisciplinaire, nous avons pu tirer parti des connaissances de tous pour renforcer notre compréhension des barrières et des leviers potentiels pour le développement et la mise en place de politiques visant à améliorer la séquestration du carbone dans les terres cultivées du Canada. Nous avons constaté qu’il était essentiel de travailler en équipe multidisciplinaire pour saisir la complexité de cet enjeu. Cette collaboration nous a permis de tirer les conclusions suivantes :

-Les stratégies visant à réaliser le potentiel de séquestration du carbone dans les terres cultivées du Canada doivent être basées sur la science et tenir compte du contexte local et de la variabilité régionale des conditions agroenvironnementales.

– Les politiques et les programmes devraient faire participer les producteurs aux processus décisionnels, en établissant des preuves du rendement des investissements et en assurant l’accès à des outils de mesure et de surveillance abordables et efficaces.

– Les approches collaboratives pour piloter et tester la conception des politiques et des programmes sont essentielles au développement de solutions innovantes et efficaces.

Finalement, même s’il peut paraître assez simple d’envisager que le secteur agricole devienne un «fournisseur des solutions climatiques», l’atteinte de cet objectif devra passer par le développement d’une approche transdisciplinaire, rigoureuse et collaborative, permettant de maximiser les retombées positives pour l’environnement, pour les producteurs et pour le secteur agroalimentaire canadien d’aujourd’hui et de demain.

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