( Maxime Lauzière ) -Le 29 juin 2021, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-208, lequel a pour objectif de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu (ci-après la « LIR ») et vise à favoriser la vente de certaines entreprises familiales aux membres d’une même famille. Ce projet de loi était grandement attendu, entre autres par l’Union des producteurs agricoles (UPA), puisqu’il permet désormais d’assurer une plus grande pérennité des entreprises familiales alors que la relève constitue un enjeu de longue date dans le domaine agricole.
Il convient tout d’abord de rappeler qu’avant l’adoption de ce projet, les règles fiscales étaient plus avantageuses lorsqu’une vente était faite à une tierce personne plutôt qu’à un membre de la famille. En effet, la LIR traitait le prix de vente de l’entreprise à un membre de la famille comme un transfert de dividendes plutôt qu’un gain en capital. Cette règle était désavantageuse pour les propriétaires, car le dividende est taxé à un taux plus élevé, et les empêchait également de bénéficier de l’exonération cumulative des gains en capital.
Ce projet de loi a ainsi modifié (1) la règle visant la vente d’actions en cas de lien de dépendance afin de permettre l’exonération pour gain en capital lorsque la vente est faite à ses enfants ou petits-enfants et (2) la règle visant la requalification des dividendes à titre de gain en capital afin d’inclure les frères et les sœurs à la notion de personne liée.
Plus en détail, la première modification a pour but d’obtenir un traitement fiscal équivalent, et ce, que l’entreprise agricole soit vendue à un membre de la famille ou à un tiers. Ceci étant, certains critères doivent toutefois être respectés :
- Les actions vendues sont des actions admissibles de petite entreprise ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale;
- L’acheteur est contrôlé par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants du contribuable, qui sont âgés d’au moins 18 ans;
- L’acheteur ne doit pas disposer des actions concernées dans les 60 mois suivant l’achat (sauf pour une raison de décès).
Aussi, il est à noter que si le capital de l’entreprise est de plus de 10 millions de dollars, l’exonération pour gain en capital est restreinte tandis que si le capital est de plus de 15 millions de dollars, l’exonération est impossible. Ce capital est évalué au moment de la vente ainsi que durant les deux années précédant la vente. De plus, le vendeur doit fournir au ministre une évaluation indépendante de la juste valeur marchande des actions concernées ainsi qu’un affidavit signé par lui-même et par un tiers attestant de la disposition des actions. Une fois les conditions remplies, le vendeur peut se prévaloir des mesures visant à réduire l’impôt sur le revenu découlant de la transaction.
La deuxième modification législative prévoit désormais que les frères et sœurs sont inclus dans la définition de personne liée, ce qui facilite alors la réorganisation d’entreprises familiales, notamment la séparation d’une entreprise entre frères et sœurs. Ainsi, les frères et sœurs ont maintenant le pouvoir de convertir les gains en capital imposables en dividendes intersociétés libres d’impôt.
La mise à jour de ces règles permettra certainement d’encourager le transfert d’une entreprise agricole à un ou plusieurs membres d’une même famille en mettant fin à l’iniquité fiscale qui favorisait jusqu’à tout récemment le transfert des entreprises agricoles à des tiers. Par ailleurs, la réorganisation d’entreprises agricoles entre frères et sœurs s’avérera désormais grandement simplifiée et plus avantageuse grâce à l’adoption de ce projet de loi, ce qui permettra ainsi d’assurer aux entreprises familiales d’être encore plus pérennes. En somme, ces changements législatifs constituent certainement un pas dans la bonne direction afin de résoudre, en partie du moins, le manque de relève dans le domaine agricole.