Le fascicule 3 : La propriété foncière agricole et l’accès aux terres dans le cadre de la consultation nationale sur le territoire agricole et les activités agricoles est maintenant public depuis quelques semaines, sa lecture est plus qu’intéressante, elle corrige plusieurs informations qui ont été véhiculées ses dernières années quant à la propriété et à l’accès des terres agricoles au Québec. Ce rapport tresse un portrait plus que satisfaisant de la propriété agricole, et démontre que la réglementation a jusqu’à présent fait la « job » n’en déplaise à certains.
Un mythe déboulonné!
Une des statistiques les plus marquantes concernant l’exploitation et la propriété des terres; 96,4 % des agriculteurs sont nés au Canada, et le tiers des 3,6% restants sont originaires de la Suisse. Des 3,1 millions hectares de la superficie agricole enregistrée au MAPAQ, 5000 hectares sont la propriété de non-producteurs non-résidents (du Québec) soit un seizième d’un pour cent (0,16%) et ce chiffre est en baisse depuis 2015. Ce qui démontre que la Loi sur l’acquisition de terres agricoles par les non-résidents (LATANR), adoptée le 21 décembre 1979, fonctionne plutôt bien. Ces statistiques déboulonnent le mythe, encore propagé, de l’invasion d’investisseurs chinois ou de toute menace d’accaparement des terres par des étrangers.
Le fascicule se penche sur le prix des terres, il démontre que les terres agricoles entre 2010 et 2022 fut un excellent placement, leur prix moyen au Québec s’est multiplié par environ 3,75 fois, comparativement l’indice S&P/TSX qui s’est apprécié de 1,6 fois environ pour la même période et le prix d’une maison à Toronto qui s’est apprécié de 2,75 fois.
Tous les mythes s’écroulent les uns après les autres
Cette flambée des prix est-elle due à l’achat de terres par des banques ou de grands fonds d’investissement, encore là, les données du rapport déboulonnent le mythe, elles recensent qu’un seul investisseur actif au Québec, soit Pangea, avec 8300 ha exploités avec des entreprises partenaires. On est loin d’Aera One Farm qui exploite 80,900 hectares dans d’autres provinces au Canada. On ne parle pas de grandes banques propriétaires de terres, un autre mythe aussi gros et durable que la grosseur d’un bleuet du lac Saint-Jean. Le rapport conclut « Certains fonds d’actifs agricoles achètent donc des terres afin de diversifier le portefeuille d’actifs de leurs investisseurs et les louent à des agriculteurs pour en tirer un rendement annuel. Selon les données disponibles, ce type de propriétaires investisseurs semble peu présent au Québec. » le rapport conclut aussi que « Au Québec, près de 90 % des superficies agricoles enregistrées sont détenues par des propriétaires qui sont des producteurs agricoles. La proportion et la superficie totale des terres détenues par des propriétaires non producteurs ont légèrement diminué ».
Les producteurs, propres artisans de leur bonheur et de leur malheur
Le prix de certaines cultures (maïs et soya) et les faibles taux d’intérêt ont été les principaux facteurs dans la croissance des prix des terres. Les producteurs ont été en fin de compte les propres artisans de leur bonheur ou de leur malheur, ce qui est en fin de compte une bonne chose. L’on peut aussi dire que la loi sur la protection des terres agricoles fonctionne bien, car elle exclut la spéculation externe du milieu agricole, cependant elle ne protège pas la spéculation faite par les acteurs du milieu agricole ou des forces inflationnistes des marchés agricoles.
Pas de portrait noir pour la relève
Ce troisième fascicule traite aussi de l’accès des terres agricoles par la relève, il est mentionné que « la hausse de la valeur des terres rend plus difficile leur acquisition par la relève, mais la difficulté à identifier les terres en vente est également mentionnée comme un frein à l’établissement en agriculture ». L’on n’y dépeint pas le portrait noir pour la relève, comme souvent on l’entend, il est mentionné que « 20 % des exploitations agricoles au Québec comptent au moins un membre de la relève. Selon le Portrait de la relève agricole établie du MAPAQ, plus de la moitié des jeunes agriculteurs se sont établis par transfert d’une entreprise familiale. La proportion de ceux qui ont démarré une entreprise agricole est en croissance et a atteint 36 % en 2021. ».
L’accroissement constant de la valeur des actifs agricoles et les faibles taux d’intérêt ont plutôt été des éléments favorables (cela ne veut pas dire facile) à l’établissement. La relève agricole dans le futur sera probablement affectée négativement par la diminution de la rentabilité des entreprises due à l’augmentation des taux d’intérêt suivie d’une possible dépréciation de la valeur des actifs, il faudra probablement des programmes de soutien plus agressif. Il est toujours plus facile de transférer un actif rentable dont l’actif s’accroît que de transférer un actif peu rentable dont la valeur de l’actif stagne ou décroît.
Le MAPAQ remet les pendules à l’heure
Fait à noter est la qualité des informations de ce troisième fascicule, elles proviennent de sources fiables et de première main, de plus les analyses ne semblent pas être contaminées par la politique, du moins pas en apparence. Le genre de rapport que l’on s’attend d’avoir lorsque l’on veut mener une réflexion, le MAPAQ devrait s’habituer à produire ce type de rapport. Le seul petit regret, il aurait été intéressant d’avoir des comparaisons sur une plus longue période, particulière avant 2008 qui fut une année charnière en termes de prix agricole. L’on peut dire que ce rapport remet plusieurs pendules à l’heure, idéale pour mettre la table à une discussion sur l’avenir des activités agricoles au Québec.