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Retour sur la gestion de l’offre

On ne sait jamais exactement à quoi s’attendre d’une campagne électorale, mais il serait surprenant que celle qui se déroule en ce moment sur la scène fédérale ne fasse pas une place sérieuse à la question de la gestion de l’offre. Elle ne dominera pas la scène. Mais elle s’y trouvera. Elle servira de test, à bien des égards, pour évaluer le positionnement des partis fédéraux à propos de l’agriculture québécoise. Et peut-être plus largement, leur vision de l’intervention gouvernementale en matière économique.

L’enjeu est connu: ce n’est pas d’hier que le système de la gestion de l’offre est contesté. On lui reproche de favoriser une catégorie d’agriculteurs, les plus puissants, au détriment des petits joueurs. Surtout, on l’accuse de défavoriser les consommateurs, qui paieraient plus cher qu’ils ne le devraient les différents produits. Jusqu’ici, elle avait résisté. Un argument portait: elle est indispensable à la survie de l’agriculture canadienne. Et surtout, de l’agriculture québécoise et de ses secteurs vitaux, parmi ceux-là la production laitière.

Mais les négociations entourant le traité de libre-échange transatlantique remettent en question ce système comme jamais. C’est la même utopie destructrice du grand marché mondialisé et sans entraves qui avance à grands pas. Il n’y a plus de pays, de paysans, de territoires, de terroirs, de cultures et de patries. Il n’y a qu’un marché dans lequel toute la réalité du monde est appelée à se dissoudre. Au final, l’homme sera séparé de ses attaches et ancrages. Ne restera plus qu’un individu abandonné condamné à l’errance.

On comprendra un jour que derrière les enjeux politiques au quotidien que nous affrontons, dans lesquels nous sommes empêtrés, on trouve aussi une lutte à bien des égards philosophiques entre visions du monde concurrente, qui témoignent chacune d’une certaine idée de l’être humain. À bien des égards, la grande querelle de notre époque oppose le camp du cosmopolitisme mondialisé à celui de l’enracinement culturel et national. Il ne faut évidemment pas durcir artificiellement cette opposition, et nul n’a le monopole du bien ou du mal.

On parle souvent de souveraineté alimentaire, ou même, d’autosuffisance alimentaire. C’est un objectif noble. Encore faut-il en prendre les moyens. Surtout, il faut reconnaître un principe: l’agriculture n’est pas un secteur parmi d’autres de l’activité humaine. Si on croit qu’un pays a besoin de préserver certains secteurs vitaux de son économie, l’agriculture en est certainement un. Faut-il rappeler qu’elle contribue aussi à l’occupation du territoire et évite de confondre brutalement le destin d’un pays avec celui de ses grandes villes?

Cela ne veut évidemment pas dire que le système de la gestion de l’offre soit sans reproches et qu’il faille le blinder contre toute critique. Nul ne doutera de l’existence d’un corporatisme agricole, comme il y a un corporatisme artistique ou un corporatisme policier. Ce n’est pas si surprenant: en société, chaque catégorie de la population défend ses intérêts et on serait bien étonné de ne pas voir les agriculteurs défendre les leurs. Mais il arrive aussi que les intérêts particuliers rencontrent l’intérêt général. C’est le cas actuellement. 

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