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Un programme «d’aide sociale» pour l’industrie laitière ne la sauvera

Un nouveau plan est nécessaire pour la gestion de l'offre, mettant l'accent sur la compétitivité des exploitations et de la transformation et fournissant une couverture adéquate partout au Canada.

Les producteurs laitiers ne peuvent plus dire que la gestion de l'offre leur permet de produire du lait pour les Canadiens sans aucune subvention. Tout a changé la semaine dernière. Mais les producteurs laitiers ne devraient pas simplement être indemnisés, ils méritent également une stratégie continue. Et pour l’instant, il n’en existe pas.

Le gouvernement libéral fédéral a essentiellement adopté la même approche que celle adoptée par l'ancien gouvernement conservateur en 2015, lorsque des accords commerciaux ont été signés pour à peu près le même montant.

Nous connaissons maintenant les conditions de l’indemnisation des producteurs laitiers: chaque Canadien versera 46 dollars aux producteurs laitiers au cours des huit prochaines années, tout en payant des prix de détail exorbitants pour de nombreux produits laitiers.

Les œufs et la volaille sont à venir.

Et ne retenez pas votre souffle parce que plus d’argent donné aux producteurs laitiers ne changera pas grand chose aux épiceries. Nous aurons plus de variétés en raison de l’arrivée de produits étrangers, mais les prix ne baisseront pas de sitôt.

Mais l'annonce de la ministre de l'Agriculture, Marie-Claude Bibeau, était attendue la semaine dernière.

Un total de 1,75 milliard de dollars sera consacré aux pertes après la conclusion de pactes commerciaux avec l’Union européenne et les pays du Pacifique. L'annonce n'inclut pas l'accord commercial imminent avec les Américains et le Mexique. Les pertes sont supposées, mais personne ne sait exactement combien chaque agriculteur perdra. La gestion de l'offre est un système de quotas conçu pour permettre aux producteurs de lait de satisfaire aux exigences nationales. En raison des droits de douane élevés appliqués aux importations, peu de produits concurrents peuvent entrer au Canada, mais cela change lentement. Avec les accords commerciaux entre l’Europe et le Pacifique, davantage de produits étrangers entreront sur le marché canadien en franchise de droits.

Cependant, les accords commerciaux ne donnent qu'un plus grand accès au marché pour les pays partenaires.

L'implication que nos propres producteurs laitiers ont besoin de moins de lait est purement hypothétique; si le système reste inchangé, il faudra évidemment moins de lait à nos propres producteurs laitiers. Toutefois, l’innovation, ainsi que les projets visant à mener davantage de recherches, à développer de nouveaux produits et à appliquer des facteurs économiques axés sur la demande pourraient, en fait, accroître notre besoin de production nationale.

C’est comme donner une drogue illicite…

Le programme annoncé la semaine dernière n’a pas de plan, pas de stratégie du tout, juste des paiements sur huit ans et un espoir d’amélioration. C’est comme donner une drogue illicite à une personne qui a un problème de toxicomanie. Le programme ne corrige rien.

Ottawa rachète des quotas laitiers sans les racheter

En fait, cela pourrait aggraver les choses. Selon certaines estimations, les 10 600 fermes laitières canadiennes détiennent des quotas d'une valeur d'environ 24 milliards de dollars. Le programme de compensation représente environ 8% de la valeur totale des quotas laitiers et ce montant n’est pas une coïncidence. Ce pourcentage est ce que les producteurs laitiers ont cédé en parts de marché avec les deux accords commerciaux. Ottawa rachète donc des quotas laitiers sans les racheter. Le gouvernement donne des options à nos producteurs laitiers, mais sans offrir aux agriculteurs un programme de rachat, comme dans d’autres pays où la gestion de l’offre a été démantelée. C’est une occasion manquée, mais racheter des producteurs laitiers aurait été un suicide politique avant les élections fédérales du 21 octobre. Il suffit de demander à Maxime Bernier, qui a perdu le leadership conservateur au fédéral après avoir promis de démanteler le système de gestion de l'offre.

Ottawa protège les plus aisés

Selon Statistique Canada, la ferme laitière moyenne vaut 5 millions de dollars et le producteur laitier moyen gagne 160 000 dollars par an.

Le programme, qui sera coordonné par la Commission canadienne du lait, ne couvrira pas les pertes éventuelles subies par les transformateurs de produits laitiers, les fromagers artisanaux, les producteurs de lait et de fromages de chèvre ou de nombreux autres fabricants de produits spéciaux. De nombreux entrepreneurs brillants de l'industrie laitière seront durement frappés par une concurrence accrue.

Cela montre à quel point nos décideurs sont concentrés sur le système de quotas. Ottawa couvre les membres aisés de la communauté laitière et les autres peuvent se débrouiller seuls. Cela doit changer.

La gestion de l’offre nécessite un redémarrage

Les marchés et les échanges mondiaux rendent impossible la survie d’un système fermé et exclusif comme la gestion de l’offre. Signer des accords commerciaux est nécessaire et, oui, soutenir financièrement notre secteur laitier deviendra un mal nécessaire. La plupart des pays le font.

Mais la gestion de l'offre nécessite un redémarrage. Nous pourrions perdre près de la moitié des fermes laitières que nous avons d'ici 2030, même avec le programme d'indemnisation.

Un nouveau plan de gestion de l'offre devrait clairement mettre l'accent sur la compétitivité des exploitations et de la transformation, et devrait couvrir adéquatement tous les marchés du Canada. La moitié de nos fermes laitières sont au Québec car la majeure partie de la transformation a lieu dans cette partie du pays. Si nous voulons maintenir la gestion de l’offre et des subventions régulières, les fermes laitières devraient être réparties plus équitablement à travers le pays. En raison des coûts opérationnels et des intrants, l’Ontario et le Québec ont des avantages par rapport aux Prairies et aux Maritimes. Tout en offrant des paiements aux producteurs laitiers, tout le monde y perd, surtout les producteurs laitiers. Les agriculteurs méritent plus qu'un simple chèque une fois par an. Sinon, nous devrions simplement appeler cela le bien-être des produits laitiers.

Par Atlantic Institute for Market Studies – Sylvain Charlebois

 

 

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