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Profession: Agriculteur ANALPHABÈTE

J’aurais pu intituler ce Billet “ La fin de l’Innocence ” – INNOCENCE dans le sens candide et pur du terme. Frôlant même l’insouciance et l’idiotie.

C’est ainsi qu’a commencé la deuxième saison à la ferme. Et à ce jour – ce fut horrible.

Malgré le confinement et la pandémie, tout allait bien jusqu’au mois de mai. Avec des conditions médicales sévères, je savais que je ne pourrais sortir dans le monde “ordinaire” avant un vaccin. Je m’étais fait “une raison”.

C’est en mai que la sécheresse s’est invitée pour la première fois. 25 jours sans pluie. Pas de système d’irrigation – l’an dernier on avait connu un printemps pluvieux sans précédent – me voilà avec une vingtaine de lots ensemencés et secs. La terre brûlait au simple touché du doigt.

Fin mai: rien ne lève. Presque rien. Et ce qui sort de terre meurt pratiquement. Même le chanvre a l’air bête. Tout semble brûlé. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Auto examen: le fumier. Dans l’enthousiasme débutant – voire délirant – je me rends compte que j’ai surchargé les lots de fertilisants… au printemps. Résultat: tout est scrap. Pour combien d’années? Je n’ose pas fouiller la réponse. Gaffe majeure.

Juin arrive! Et la maladie s’est elle aussi invitée à l’étable. Mon bouc préféré – ma “belle saucisse” brune – contracte la listériose. Trois jours à le veiller – jour et nuit. C’est la première mort d’un animal qui me trouble autant. Je l’aimais comme s’il s’agissait d’un membre de la famille. Lui que j’ai dorloté, bercé, nourri, et élevé pendant plus d’une année meurt en quelques jours, impuissant à le sauver. Puis ce fut un autre bouc mort, cette fois-ci par “bloating”. La sécheresse se prolonge tout le mois de juin, ayant tout fauché manuellement ce que je pouvais, il ne me reste plus de foin pour nourrir mes 3 génisses rendues à presque une année. Des Holstein, ça mange tout le temps. C’est incroyable…et ça court partout. Elles ont tenté de passer les douanes (elles en n’ont rien à foutre de Justin…), puis elles sont allées manger une partie du champ de maïs du voisin. 3 Holstein dans ma vie, c’était comme “une fausse bonne idée”…

Devant l’absence de ressources pour nourrir les 3 vaches, je dois me résoudre à les retourner chez leurs anciens propriétaires dans le Canton voisin. Les p’tites filles sont retournées à la maison et bientôt prêtes à produire. Mais ce ne sera pas chez moi.

Heureusement qu’il nous restait les plantations de gourdes et de luffas débutées en serre, et donc à l’abri des éléments extérieurs. Nous verrons en octobre si la récolte sera un succès ou une catastrophe. Seul un climat chaud et humide est un gage de succès.

Alors me voici à la mi-saison estivale, 35 livres en moins (je suis devenu un squelette ambulant), avec une récolte scrap à 75%, et un élevage devenu un vague souvenir heureux.

Trop d’erreurs, trop d’ignorance.

Même si on prétend opérer une micro ferme, l’accès à la formation demeure un passage obligé. Beaucoup font le projet d’un retour à la campagne au cours des prochaines années. L’autosuffisance est à la mode. Or la meilleure façon de rater son projet, c’est d’y aller avec son feeling et ses préjugés. Il y a longtemps que l’agriculture n’est plus cette science inexacte qu’on nous illustre dans les téléromans. Pas pantoute. J’aurais dû m’instruire.

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