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Un agronome peut-il être entrepreneur au Québec?

Myriam jeune agronome, diplômée au doctorat d’une prestigieuse université américaine a développé avec d’autres professionnels un produit entièrement naturel, sans danger pour les abeilles, qui remplace efficacement les fongicides dans l’enrobage des semences. Son produit vient d’être homologué au Canada, les ventes s’en viennent. Myriam a toujours été fière de sa profession d’agronome, et se fait un devoir de se présenter comme tel. Mais voilà elle vient de prendre connaissance des recommandations du comité sur l’indépendance professionnelle des agronomes, ainsi que des conditions d’éligibilité pour être président ou vice-président de l’ordre des agronomes. Elle se pose beaucoup de questions, et se demande si elle pourra continuer à porter son titre d’agronome, et continuer à prescrire des conseils sur l’utilisation de son produit au Québec. De plus elle se voyait dans quelques années, une fois son entreprise bien établie, s’impliquer en tant que représentante à l’ordre. Comme elle reste à Gatineau, il y a l’option de déménager à Ottawa.

Ne vous inquiétez pas, il s’agit d’un cas fictif, cependant les recommandations du comité sur l’indépendance professionnelle des agronomes et les conditions d’éligibilité de l’ordre des agronomes sont-elles bien réelles et mises en application?  Ses recommandations ont de quoi inquiéter tout entrepreneur ou dirigeant d’entreprise qui serait un agronome. Ces recommandations ne sont pas claires et les signaux que l’ordre envoie le sont encore moins.  Parmi les points litigieux, il est écrit que les pratiques de rémunération en lien avec le produit sont proscrites, donc fini pour les agronomes les commissions, les concours de vente et les primes, en lien avec les produits!

Cependant la rémunération variable utilisée pour reconnaitre la performance d’un professionnel est acceptable, la profitabilité de l’entreprise, le nombre de clients, le taux de pénétration dans un territoire peuvent être cependant considérés dans le calcul de la rémunération variable. Cela laisse suffisamment de latitude à une entreprise pour rémunérer leur professionnel en fonction de leur performance, même si le changement est important. Cela laisse aussi, selon mon interprétation, la chance à un agronome de pouvoir diriger une entreprise d’intrants et d’en retirer des bonis ou dividendes.

Vise-t-on des agronomes en particulier ?

J’ai cependant quelques doutes dans la façon dont ces recommandations seront appliquées. En remplissant mon renouvellement de cotisation à l’ordre des agronomes, il y a une nouvelle section de déclaration d’intérêt : les deux premières questions sont à savoir si j’ai des intérêts financiers dans l’entreprise pour laquelle je travaille ? Ou si j’ai des liens familiaux avec les dirigeants de mon employeur?

Pourquoi ces questions, si l’on répond oui que se passe-t-il ? Rien dans les recommandations d’aussi précis.

Certains vous diront que c’est une simple déclaration d’intérêt, mais pourquoi ces deux questions en particulier, on aurait pu tout simplement nous demander une déclaration obligatoire de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts. Est-ce que l’on veut viser une catégorie d’agronomes en particulier?

Évitons la chasse aux sorcières

Il va être important que ces nouveaux règlements ne deviennent pas une chasse aux sorcières, où les agronomes travaillant pour des fournisseurs d’intrants seront les cibles d’ayatollah des services dits non liés. Le dossier des pesticides a laissé des traces, l’on a laissé croire que l’éthique des agronomes des compagnies d’intrants était responsable des maux reliés aux pesticides, une grave erreur et une injustice.

Plusieurs au sein de l’ordre les agronomes pensent qu’un agronome ne devrait pas travailler dans une compagnie d’intrants et que les conseils de ceux -ci sont motivés uniquement par l’appât du gain, ils sont convaincus que des professionnels indépendants rémunérés à l’acte seront plus efficaces et feront mieux progresser l’agriculture et qu’ils seront en mesure de protéger les producteurs de l’influence soi-disant néfaste des vendeurs.  Cependant ce que l’on voit dans la réalité c’est une multiplication d’obligations légales pour les entreprises agricoles afin de faire affaire avec ces professionnels.

Le secteur des intrants agricoles a besoin d’agronomes pour leurs compétences, ainsi que d’agronomes entrepreneurs.  J’ai une certaine crainte que la surveillance et l’encadrement des recommandations du comité sur l’indépendance professionnelle des agronomes soient noyautés par des objecteurs de conscience de toute sorte. Ce qui risque d’éloigner à terme les agronomes de ce secteur. Quand je lis dans le rapport (prenez un grand respire) du « comité sur la mise en route des recommandations du comité sur l’indépendance professionnelle » qu’il va se pencher sur la question :  est-ce que la prospection et la sollicitation de nouvelle clientèle sont des activités facturables ? Ça, c’est inquiétant.

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