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Relier l’environnement, l’économie et la sécurité alimentaire dans l’agriculture

Avant même que la Russie envahisse l’Ukraine, l’approvisionnement alimentaire mondial était mis à rude épreuve. Les changements climatiques, les défis dans la chaîne d’approvisionnement et l’augmentation de la demande faisaient grimper les prix des denrées alimentaires. L’invasion n’a fait qu’aggraver une situation déjà mauvaise.  Par conséquent, la nécessité pour le système alimentaire d’atteindre tous ses objectifs en matière de sécurité alimentaire, d’économie et d’environnement n’a peut-être jamais été aussi grande. Ces résultats doivent être liés, l’un ne va pas sans l’autre, et le Canada peut être un leader dans ce domaine.

Dans un gouvernement fédéral obsédé par les mots, le langage choisi dans le budget 2022 donne un aperçu de la façon dont il pense à l’agriculture et aux défis qu’elle doit relever. Un mot en particulier se démarque. Il s’agit du mot « cependant ».

Google indique que le mot « cependant » exprime « une opposition, une restriction ».

Le budget indique : « Il est essentiel de veiller à ce que les enfants les plus vulnérables aient accès aux aliments sains et nutritifs dont ils ont besoin pour grandir et apprendre. Cependant, près de deux millions d’enfants au Canada risquent de se rendre à l’école le ventre vide. » Ce « cependant » établit un contraste fort et souligne la raison pour laquelle le gouvernement fédéral va de l’avant avec une politique alimentaire nationale pour les écoles.

Ce n’est pas le « cependant » qui est important, mais celui qui importe se trouve 100 pages plus haut, dans la section consacrée à l’agriculture durable.

La section commence en soulignant le rôle de l’agriculture dans l’économie et dans la sécurité alimentaire du monde. On y note : « L’agriculture joue un rôle essentiel dans l’économie du Canada, et les agriculteurs aident à nourrir le monde entier. En cette période d’incertitude géopolitique et d’augmentation des coûts, il sera vital de veiller à ce que la production agricole du Canada continue de croître. » Puis vient le passage suivant : « Cependant, l’agriculture représente également environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre au pays. » L’article poursuit en décrivant tous les investissements réalisés pour réduire les émissions de l’agriculture.

Le contraste est établi. Les investissements ne sont pas réalisés pour renforcer la contribution de l’agriculture à l’économie, à la sécurité alimentaire et à l’environnement, mais seulement pour réduire les émissions.

Il ne s’agit pas de minimiser la nécessité de réduire les émissions. Certains de ces investissements devraient également contribuer à rendre les exploitations agricoles plus rentables. L’investissement de 100 millions de dollars dans la recherche en vue d’une agriculture nette zéro est également un pas dans la bonne direction, mais plus d’investissements dans le R-D sont nécessaires.

Au lieu de cela, le budget aurait pu combiner ces besoins essentiels et dire : « En cette période d’incertitude géopolitique et d’augmentation des coûts, il sera vital de veiller à ce que la production agricole du Canada continue de croître de façon durable. » Avec une approche stratégique, le budget aurait pu s’engager à faire de l’agroalimentaire canadien un chef de file mondial en matière de croissance durable de la productivité, permettant à l’agriculture de produire plus d’aliments, sur moins de terres, avec moins d’intrants, pour atteindre les résultats nécessaires pour l’environnent, l’économie et la sécurité alimentaire.

L’engagement envers la première stratégie canadienne sur les minéraux critiques aurait pu être suivi pour l’agriculture. Pour reprendre le langage du budget, l’agroalimentaire a le même potentiel que le secteur minéral de «créer des milliers de bons emplois, d’assurer la croissance de l’économie et de faire du Canada un joueur essentiel de l’industrie mondiale en croissance des aliments critiques. »

L’agriculture réalise déjà des progrès considérables en matière de croissance durable de la productivité. Au cours des 30 dernières années, la quantité de terres et d’intrants (notamment les engrais, les pesticides et l’eau) nécessaires pour produire un boisseau de blé, une livre de bœuf, un litre de lait ou une tonne d’huile de canola a considérablement diminué. Le Canada est un chef de file mondial en matière de production alimentaire durable.

C’est pourquoi, bien que l’agriculture canadienne ait la possibilité de réduire son empreinte écologique, le fait de se concentrer sur la contribution de 10 % de l’agriculture aux émissions de GES du Canada ne dit pas tout.

Il ne dit pas que ces émissions proviennent de systèmes biologiques complexes qui ne peuvent être plafonnés ou mesurés aux cheminées, mais qui peuvent fixer le carbone. Il ne dit pas que si le bétail émet du méthane, il est également essentiel au maintien des prairies qui sont des puits de carbone essentiels et que le méthane est recyclé dans un cycle court. Il ne dit pas que ces émissions proviennent de l’un des systèmes alimentaires les plus productifs et durables, un système alimentaire qui, aujourd’hui plus que jamais, est appelé à nourrir le monde.

Le « cependant » du budget a juxtaposé la contribution de l’agriculture à l’économie et à la sécurité alimentaire contre son empreinte environnementale, alors qu’il aurait dû relier les trois. Il aurait pu le faire en investissant et en créant un environnement réglementaire favorable à une croissance durable de la productivité.

Le monde n’a pas seulement besoin d’une alimentation durable, mais il a également besoin de ces aliments. Cela est particulièrement vrai si l’on considère les pressions historiques exercées sur les systèmes alimentaires internationaux par les conflits, les changements climatiques et la demande croissante. Les gouvernements et le système agroalimentaire du Canada doivent maintenant travailler ensemble pour y parvenir.

 

 

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