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Maîtres chez nous, vraiment?

Adressé à : MM François Legault, Premier Ministre du Québec et André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation et Mme Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec,

Le coût du panier d’épicerie a augmenté de 10% en 2022 selon la plus récente publication de Statistique Canada. Pourquoi? Le coût élevé des denrées et des intrants agricoles touche également ceux et celles qui produisent notre nourriture (particulièrement les petites entreprises), qui n’ont d’autre choix que de transmettre cette hausse au consommateur. Le pire de la hausse reste à venir, car les changements climatiques risquent de ne plus garantir de bonnes années pour compenser les mauvaises. On le voit justement dans les prévisions de récoltes 2022, qui sont à la baisse suite à la guerre en Ukraine, à la sécheresse touchant l’Europe et le sud des États-Unis et au surplus d’eau touchant le Nord des États-Unis, le Canada et la Chine. Ces régions représentent environ 40% de la récolte mondiale de blé, de quoi rapprocher le monde d’une famine généralisée. Si les prix font mal ici, imaginez l’impact dans les pays moins nantis.

Au Québec, le coût des terres agricoles y est également pour quelque chose. À ma naissance en 1996, un acre coûtait 2500$ en Montérégie (oui oui!). Aujourd’hui, il coûte en moyenne 23 500$! C’est 940% d’augmentation en 25 ans. Beaucoup de fermes montérégiennes vous diront qu’il leur est désormais inimaginable d’acquérir et de rentabiliser des terres à ce coût, en moins d’être une très grande ferme ou une société d’investissement. C’est d’ailleurs le modèle de Pangéa, une entreprise appartenant à l’homme d’affaire Charles Sirois, aussi cofondateur de la Coalition Avenir Québec, qui dit remédier à ce problème, mais éloigne les fermes de la propriété et, par le fait même, de leur pérennité dans le temps.

Pourquoi les terres coûtent-elle si cher? D’abord, parce qu’avec le mode de financement archaïque de nos municipalités, elles sont encouragées à s’étaler pour attirer plus de taxes, au détriment des fermes. Ensuite, parce que les plus grandes fermes disposent de plus de moyens et auront toujours plus facilement accès à plus de terres, donc plus de capacité financière. Pour avoir souvent entendu ce problème de la bouche même des agriculteurs et agricultrices que je côtoie dans le cadre de mon travail, cette double menace nuit à la pérennité des petites entreprises agricoles familiales et favorise la concentration des fermes.

Est-ce vraiment le modèle qu’on veut privilégier, en tant que société? Je vous invite à vous prononcer clairement contre l’accaparement et la financiarisation des terres agricoles de la Montérégie. « Maître chez nous » ne devrait pas être uniquement pour l’énergie, cela devrait aussi être le cas pour notre nourriture.

Philippe Jetten-Vigeant,

Agronome et candidat pour Québec Solidaire dans Iberville.

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