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Voyez-vous le verre à moitié plein ou à moitié vide?

Tyler McCann- Voyez-vous le verre à moitié plein ou à moitié vide? Le monde est-il plein de défis ou plein d’opportunités? Une simple question peut en dire long sur la façon dont une personne voit le monde, un monde qui se trouve généralement au milieu.  De nos jours, peu de questions politiques suscitent autant de différences de point de vue que la politique de durabilité au Canada. Alors que le gouvernement fédéral se prépare à aller de l’avant avec les consultations sur le Plan d’agriculture durable, il est possible, et nécessaire, de se demander si le verre de la politique de durabilité du Canada est à moitié plein, à moitié vide, ou quelque part entre les deux.

La durabilité est en grande partie une opportunité pour les agriculteurs canadiens.

La Table ronde canadienne sur le bœuf durable a pris son essor grâce à l’engagement de McDonald’s d’approvisionner au moins de 30 % de sa production en bœuf durable vérifié. Cet élan s’est amplifié au cours de la dernière année, car des restaurants et des détaillants, dont Loblaws et Walmart, se sont engagés à acheter du bœuf canadien certifié durable.

Pour les producteurs de bœuf dontles marges serrées sont la norme, une prime pour la vente de bœuf durable est un pas dans la bonne direction. Et avec une demande croissante au Canada et dans le monde, ces primes devraient continuer à augmenter.

Fin 2021, Roquette a officiellement lancé son usine de protéines de pois à Portage la Prairie, au Manitoba. Cet investissement de 600 millions de dollars permettra d’augmenter la demande de légumineuses et d’ajouter de la valeur à ces cultures ici au Canada, plutôt qu’aux États-Unis ou à l’étranger comme c’est trop souvent le cas.

Roquette a décidé d’investir au Canada en partie en raison de notre approvisionnement en matières premières et de l’accès à l’énergie hydroélectrique. La combinaison de légumineuses durables et d’énergie durable est une combinaison gagnante pour l’agriculture canadienne.

La chaîne de valeur du canola canadien a bénéficié de sa durabilité. Un rapport de Rabobank de la fin de 2021 a souligné que, même si la demande de biodiesel de l’Union européenne devrait diminuer, la demande de biodiesel à base de canola/colza devrait augmenter à mesure que l’UE se détourne de l’huile de palme. La durabilité du canola présente un avantage commercial, un avantage que la chaîne de valeur s’efforce de protéger.

Une coalition croissante et sans précédent de partenaires s’est réunie dans le cadre de l’Indice national de rendement agroalimentaire pour dresser un tableau intégral de la durabilité du secteur agroalimentaire canadien, de la production alimentaire jusqu’à la vente au détail. Les partenaires comprennent les possibilités qui existent et la nécessité de positionner le Canada pour les saisir.

La durabilité est déjà un facteur de valeur sur le marché.  La technologie agricole, les innovations, la croissance de la productivité sont quelques-unes des façons dont l’agriculture durable peut profiter à l’agriculture et à l’alimentation canadiennes, stimuler la croissance, et augmenter la valeur. Le verre est à moitié plein.

Cependant, la perception de la politique de durabilité est souvent moins optimiste.

Une grande partie de l’inquiétude provient de la crainte que le Canada ne suive une approche européenne de la durabilité, une approche axée sur des diminutions: moins d’intrants, moins d’impact, mais aussi moins de production et potentiellement moins de rentabilité.

La stratégie Farm to Fork (« de la ferme à la table ») de l’Union européenne, qui vise à rendre les systèmes alimentaires équitables, sains, et respectueux de l’environnement, a pour objectif d’accroître les superficies consacrées à l’agriculture biologique, d’éliminer progressivement les pesticides, et de réduire considérablement leur utilisation. Pour certains, cette approche semble s’éloigner des politiques fondées sur des preuves, donne la priorité à un ensemble étroit d’objectifs environnementaux dans des systèmes complexes et intégrés, et ne tient pas compte de la nature mondiale du système alimentaire, où un nombre croissant de personnes dépendent d’un nombre décroissant d’exportateurs de produits alimentaires.

Cependant, le programme de politique durable peut être une opportunité pour l’agriculture canadienne.

Aux États-Unis, la récente Loi sur la réduction de l’inflation (IRA), qui met l’accent sur la politique climatique, prévoit des mesures incitatives et des investissements pour créer des débouchés grâce à l’agriculture durable. L’IRA injecte près de 20 milliards de dollars sur 10 ans pour une série de programmes de conservation administrés par le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA). Elle prévoit 14 milliards de dollars supplémentaires pour soutenir le développement des énergies renouvelables et les dépenses relatives aux infrastructures de biocarburants, ainsi que 4 milliards de dollars pour l’adaptation au changement climatique afin d’atténuer les effets de la sécheresse.

Le financement de l’IRA fait suite à l’annonce récente de la manière dont l’USDA investira 2,8 milliards de dollars dans 70 projets par le biais du programme de financement Partnerships for Climate-Smart Commodities. Ce partenariat vise à élargir les marchés et les sources de revenus pour les producteurs, à toucher 50 000 exploitations agricoles représentant 20 à 25 millions d’acres et à séquestrer plus de 50 millions de tonnes métriques de CO2e.

L’approche américaine vise à permettre aux agriculteurs américains de saisir les opportunités de durabilité d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit d’une approche axée sur la carotte et non sur le bâton.

Au Canada, la politique fédérale en matière de durabilité n’a été ni à moitié pleine, ni à moitié vide, mais quelque part entre les deux. Les deux derniers budgets fédéraux ont inclus des investissements fédéraux sans précédent dans l’action climatique à la ferme. Le récent accord FPT sur le prochain cadre stratégique promet 250 millions de dollars pour un Programme des paysages agricoles résilients. Le gouvernement fédéral a également investi dans la recherche collaborative par le biais de l’Initiative des laboratoires vivants, la réduction des déchets alimentaires, et plus encore.

Cependant, la menace des bâtons a résulté en une perception que la politique de durabilité est à moitié vide. L’objectif fédéral de réduction des émissions d’engrais a mis l’agriculture à la une des journaux cet été. L’annonce prochaine de l’objectif de réduction des émissions de méthane risque de relancer le même débat. Les inquiétudes concernant la nécessité de consacrer une partie des dépenses de recherche à la réduction des émissions, les préoccupations concernant les changements dans la réglementation des pesticides, les retards dans l’approbation de l’édition de gènes: tout cela jette un voile sur la politique de durabilité.

Cet automne, le gouvernement fédéral lancera des consultations sur son Plan d’agriculture durable. C’est l’occasion de relancer le dialogue sur la politique de durabilité et d’aider les décideurs et les acteurs de la chaîne de valeur agroalimentaire à prendre du recul et à examiner comment mieux positionner la politique de durabilité comme une opportunité pour l’agriculture canadienne. La politique de durabilité ne sera jamais seulement une opportunité ou une menace. Le temps nous dira si le Plan d’agriculture durable peut contribuer à convertir le verre de la politique de durabilité de vide à moitié pleine.

 

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