Site icon LA VIE AGRICOLE / LVATV.CA

La prescription acquisitive : la mauvaise foi de celui qui l’invoque constitue-t-elle un obstacle à son application?

La prescription acquisitive, rappelons-le, est le mécanisme prévu par la loi, par lequel une personne peut devenir propriétaire d’un bien après en avoir eu la possession durant une certaine période. Si ce principe, qui nous vient du droit français, en fait sourciller plusieurs, il n’en demeure pas moins qu’il s’applique, et ce, souvent au grand dam de celui qui perd son droit de propriété. C’est pourquoi les propriétaires de terrains doivent être tout particulièrement vigilants quand il laisse leur gentil voisin empiéter un peu trop de leur côté de la clôture!

Or, la mauvaise foi d’un individu a-t-elle une influence sur la possibilité, pour celui-ci d’acquérir un bien par les effets de la prescription?? Il convient de souligner ici que la notion de bonne foi, en matière de prescription acquisitive, ne réfère aucunement à la notion d’honnêteté, mais réfère plutôt à la conviction du possesseur d’être le véritable propriétaire du bien.

La réponse à cette question dépend de s’il s’agit d’un bien meuble (une voiture par exemple) ou d’un bien immeuble (un terrain ou un bâtiment par exemple). En effet, pour un bien meuble si le possesseur est de mauvaise foi, ce n’est qu’après un délai de 10 ans qu’il sera en mesure de revendiquer son droit de propriété, et ce, alors que le propriétaire de bonne foi, lui, pourra le revendiquer après un délai de 3 ans. Le délai nécessaire à l’acquisition sera donc prolongé pour le possesseur de mauvaise foi.

Par ailleurs, si la mauvaise foi d’un individu retarde effectivement l’acquisition d’un bien meuble dont il a possession, le fardeau de prouver qu’il avait effectivement la connaissance que le bien ne lui appartenait pas revient au véritable propriétaire puisqu’à moins que la loi n’exige expressément de la prouver, au Québec, la bonne foi se présume toujours.

En matière immobilière la loi permet à un possesseur de mauvaise foi d’acquérir, par prescription, un immeuble, et ce, dans le même délai que le possesseur de bonne foi. La bonne foi ne constitue donc pas une condition à la prescription acquisitive décennale. Ainsi, même si votre voisin sait pertinemment que la partie de votre terrain qu’il utilise de façon régulière ne lui appartient pas et qu’il sait également qu’après 10 ans il sera en mesure de l’acquérir, et bien, cela ne l’empêchera pas d’invoquer la prescription acquisitive.

Rassurez-vous cependant.  Pour que la prescription acquisitive s’applique, la possession du bien doit présenter certaines caractéristiques. Premièrement, elle doit être paisible, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être le résultat de violence physique ou morale. Ensuite, la possession doit être continue. Pour ce dernier critère, il n’est pas nécessaire, par exemple, que la personne soit présente sur le terrain chaque jour : il suffit qu’elle démontre des actes de possession suffisamment réguliers et rapprochés dans le temps. Le troisième critère est celui de la possession publique. Il implique que la possession ne doit être ni clandestine ni cachée. Si ces trois premiers critères sont davantage liés à des actes matériels, le dernier critère, celui d’une possession non équivoque, est plutôt lié à l’intention du possesseur de se comporter comme le véritable propriétaire. À cet effet, les tribunaux sont venus préciser que la possession doit être exclusive, sans quoi, elle sera considérée comme équivoque.

En définitive, si vous êtes propriétaire d’un terrain, il est important de bien en connaître les limites et d’agir rapidement en cas d’empiétement.  Ainsi, si vous avez des questions relativement à la prescription acquisitive ou encore à une situation d’empiétement, nous vous conseillons de ne pas attendre avant de consulter un conseiller juridique.

 

Quitter la version mobile