Collaboration spéciale
Les négociations en vue d’un accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (UE) butent sur l’agriculture. Un demi-milliard de consommateurs : le marché des produits agricoles et agroalimentaires de l’Union européenne (UE) est l’un des plus lucratifs du monde. L’accord de libre échange qui va être signé en 2012 avec le plus grand marché commun du monde aura des répercussions majeures sur le secteur agroalimentaire canadien. L’UE est déjà le deuxième partenaire commercial du Canada pour les produits agricoles et agroalimentaires. En 2009, la valeur totale de ce commerce entre les deux économies s’élevait à 5,5 milliards de dollars.
Un accès privilégié à la technologie agricole européenne.
Le Canada a lancé en mai 2009 une série de négociations en vue d’un accord économique et commercial global (AECG) avec l’UE. Le Canada n’a pas signé d’entente de commerce international depuis l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), en 1992. Le traité de libre-échange avec l’Europe va générer des revenus supplémentaires de 10 milliards de dollars pour le secteur agro-alimentaire du Canada. Les principales exportations agricoles et agroalimentaires du Canada vers l’UE comprennent le blé, les oléagineux, les légumineuses et les aliments transformés. Ses principales importations en provenance de l’UE comprennent le vin, la bière, les liqueurs et le chocolat. Par ailleurs, les agriculteurs canadiens gagneront un accès privilégié à la technologie agricole européenne.
Points sensibles des négociations
-Des droits de douane exorbitants : l’accès aux marchés européens n’est pas facile, la réciproque est vraie.
L’UE voudrait protéger les produits du bœuf, du porc, les céréales et les aliments transformés. Or, dans bien des cas, il s’agit de marchés d’exportation que le Canada souhaite développer. Pour l’instant les droits de douane pour entrer dans l’UE, que l’on nomme le tarif, est très cher.
Le tarif moyen agro-alimentaire que l’UE impose à tous les pays – à l’exception de ceux avec lesquels elle a négocié un accord préférentiel – est de 16 %, mais encore plus élevé pour certains produits comme le bœuf (142 %), le porc (entre 32 et 70 %), les fruits et légumes (31,8 %), les poissons et fruits de mer (12,5 %) ainsi que le blé et l’avoine. À titre comparatif, les droits moyens qu’elle applique sur les marchandises sont de 2,2 %.
Il y a d’autres irritants, puisque les producteurs et les entreprises qui cherchent à pénétrer le marché européen se heurtent à des obstacles réglementaires. L’UE verse par ailleurs des subventions à ses producteurs agricoles dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC), ce qui ne met pas la concurrence à armes égales.
Le Canada impose de son côté des tarifs agricoles élevés à cause de certains secteurs protégés et de ceux qui sont soumis à la gestion de l’offre. Au cours des dernières années, le droit moyen appliqué par le Canada sur les produits agricoles a été de 21,9 %, alors que celui sur les marchandises non agricoles a été de 3,5 %. Les importations de produits soumis à la gestion de l’offre (lait, poulet, œufs, dindon et œufs d’incubation) ont été assujetties à des droits de douane élevés moyens de 159,1 %. Les exportateurs européens se plaignent aussi de la lenteur du processus canadien d’homologation des nouveaux médicaments vétérinaires, des retards de traitement des demandes d’autorisation touchant les additifs alimentaires et des normes canadiennes relatives à la composition des fromages.
-Des différences persistent dans la définition des règles d’origine et de l’indication géographique d’un produit agroalimentaire.
Les règles d’origine sont les critères permettant de déterminer le pays d’origine d’un produit. L’Union européenne a un schéma de règles d’origine très structurées qui distingue les produits considérés comme d’origine unique et les produits non uniquement originaires d’un pays déterminé. Le Canada applique quant à lui les règles d’origine de l’Alena. Dans le cas des produits d’origine animale, les deux parties doivent s’entendre sur l’origine du produit selon qu’il s’agit du lieu d’abattage ou du lieu de naissance de l’animal dont le produit est dérivé. Des règles d’origine définies selon le lieu de naissance nuiraient aux exportations canadiennes de viande de porc et de bœuf, parce qu’en Amérique du Nord ces productions sont fortement intégrées et cela pourrait obliger le Canada à modifier ses systèmes de traçabilité.
L’UE devrait demander que les indications géographiques s’étendent aux produits agricoles et agroalimentaires. Par exemple, en Europe, pour être appelé parmesan, un fromage doit répondre à des caractéristiques géographiques précises. L’accord vise par ailleurs à la protection des appellations de vins et de spiritueux lie le Canada et l’Union européenne depuis 2003.
-Les disparités de normes environnementales et sanitaires
Le conflit sur la viande de bœuf aux hormones de croissance est un sujet emblématique des divergences de normes. Depuis la crise sanitaire de l’ESB(49) dite « maladie de la vache folle », les autorités européennes avaient décrété un embargo sur la viande traitée aux hormones. En novembre 2010, un accord entre les deux parties a prévu un accès en franchise de droit au marché européen du bœuf canadien non traité pour un volume de 20 000 tonnes et 3 200 tonnes seront ajoutées au contingent, ceci afin d’indemniser l’interdiction qu’avait émise l’Union européenne. Le Canada a ainsi obtenu le contingent de la nation la plus favorisée pour le bœuf non traité.
L’UE s’oppose de fait aux importations d’OGM depuis 1998, ce qui n’est pas le cas du Canada, qui produit 10 % des récoltes OGM mondiales. L’accord de libre-échange va exiger des produits canadiens qu’ils respectent les normes sanitaires édictées par l’UE sur toutes les étapes de production.
État des négociations
Tant le Canada que l’UE sont déterminés à maintenir l’élan des négociations menées depuis 2009 en 8 rounds, pour les conclure d’ici 2012. La prochaine série de rencontres aura lieu à la mi-octobre à Ottawa. Le texte de négociation est presque entièrement rédigé. Les problèmes restants se limitent à des divergences clés essentiellement dans le domaine agricole sur la gestion de l’offre et également sur l’accès aux marchés publics.