par Gérard Samet
L’intégrateur agricole Aliments Breton Inc. pèse plusieurs centaines de M$ dans l’économie québécoise. Il fait vivre plus d’un millier de travailleurs et leurs familles auxquelles il faut ajouter le personnel de plus d’une centaine d’entreprises sous-traitantes.
Aliments Breton est aujourd’hui un joueur important dans les productions porcine et avicole, dans l’abattage et la transformation, comme la charcuterie et les plats préparés, mais aussi dans l’alimentation pour animaux, c’est-à-dire des moulées destinées aux porcs, aux vaches laitières, aux bovins de boucherie et aux volailles.
Le parcours de l’entreprise est celui de la famille Breton, passée de l’exploitation d’une ferme de subsistance à l’exploitation industrielle et intégrée de toute une filière alimentaire, depuis la production jusqu’au consommateur final, en passant par la transformation.
« Mon grand-père n’était pas seulement un fermier, il a toujours fait du commerce. Il avait la fibre d’un entrepreneur », raconte à La Vie Agricole, Christian Breton, petit-fils du fondateur et président de l’entreprise. Il fonde l’entreprise pour procurer des fournitures à la ferme en les achetant en gros, ou en les fabriquant. Pour cela il fallait les revendre. C’est la naissance du commerce de moulées complètes pour animaux et la fondation du magasin général de la municipalité de Saint-Bernard.
Comment passer de la ferme à l’intégration en une soixantaine d’années?
Les années cinquante sont consacrées à la création d’une unité de production de moulées autonome. Les années soixante et soixante-dix sont celles de la diversification : production avicole (marque Les Œufs Breton), construction de poulaillers, production porcine et mise en place de réseaux de distribution. Cela a entrainé la construction de fermes nouvelles destinées à ces productions et la séparation des poules pondeuses de celles destinées aux poulets à griller. À cette époque, « mon père a décidé de plus développer le porc, puisque la production de poulets était limitée par les quotas », indique Christian Breton.
L’intégration verticale commence véritablement durant la décennie 80 avec les activités de production d’aliments et de transformation de la viande de porc d’un côté (Les viandes du Breton), et l’insémination porcine de l’autre (Génétiporc). Cette dernière activité est liée au développement des maladies dans le porc. « Elles nous ont incité à développer de nouvelles technologies, pour obtenir des porcs sans risque de maladies infectieuses », précise Christian Breton. « On avait déjà nos fermes, on a acheté un abattoir ». L’entreprise contrôle ainsi toute la filière, y compris sur le plan sanitaire. Elle commence alors à passer des contrats avec des producteurs de porcs indépendants. « On leur disait : bâtissez vos fermes, on va vous acheter vos porcs. Nous avons préféré revendre à cette époque nos petites fermes porcines et construire de grosses maternités de 500 truies dans des endroits isolés.
Dans les années 90 et 2000, la croissance de l’intégration est continue : acquisition de fermes porcines (Dionne), d’une usine de mets préparés de haute gamme (Cuisichef), d’une charcuterie (Bocetin) et d’une charcuterie fine ( Prodal), d’une usine de sauces( Métiviers), création de la marque avicole Ovale, création d’une nouvelle usine de transformation de viandes et d’un centre de distribution de charcuterie et de mets préparés (Distributions Aliments Breton).
Le producteur de porc heureux chez Breton?
La tendance est désormais à l’intégration des anciens producteurs indépendants. « Nous faisons vivre 800 producteurs sous contrat à long terme », indique Christian Breton. « Ce sont des contrats de pouponnières et de finisseurs. Les porcs qui nous appartiennent leur sont confiés par les maternités quelques semaines après leur naissance. Finalement à 30 semaines, ils atteignent 125kg! ». L’éleveur sous contrat à long terme fournit son travail et son bâtiment. « On leur fournit tout », insiste Christian Breton. « Ils ont moins de revenus que les producteurs indépendants, mais ils sont protégés des risques du marché, puisque leur contrat leur garantie un revenu fixe. Les producteurs choisissent de plein gré de travailler pour nous, ils recherchent la stabilité. Cela fait leurs affaires, ils sont supportés par des équipes techniques. Ce sont aussi des producteurs agricoles. Ils ont toujours une clause de sortie dans leurs contrats. Nous voulons travailler avec des gens heureux ».
“Les producteurs indépendants sont en difficultés par leur propre faute“.
« Les producteurs de porcs indépendants ont souvent perdu leurs fermes par leurs propres fautes de gestion », analyse Christian Breton. « Leurs investissements n’ont pas toujours été appropriés. Une grande majorité peut réussir lorsqu’ils prennent de bonnes décisions d’affaires, avec les bons partenaires. Certains producteurs ne peuvent pas être sauvés, par suite de l’endettement, de la désuétude de leur équipement, ou de leur trop petite taille ».
Sur l’Assurance stabilité du revenu agricole (ASRA), les subventions et l’UPA !
Christian Breton admet que son entreprise bénéficie largement de l’ASRA. « Nous collectons de très grosses sommes de l’ASRA, c’est vrai, puisque nous sommes propriétaires des bêtes. Mais on paye la prime la plus forte. Nous recevons 17$ par tête. La plus grosse partie est reversée à nos producteurs ». Selon lui, tous les pays subventionnent leur secteur porcin. « Même les États-Unis, de façon indirecte », dit-il, « puisque les producteurs bénéficient là-bas, de conditions de prix plus favorables que le marché pour l’acquisition de leurs intrants ». Il estime que l’ASRA ne peut supporter tous les producteurs, laissant entendre qu’il serait nécessaire pour cela qu’ils soient compétitifs. Il met en cause en cela l’UPA, « qui ne joue pas suffisamment les cartes du conseil et de la formation. Par exemple les producteurs indépendants se copient tous et n’achètent pas les semences et les moulées les plus performantes ».