Lettre ouverte: La Chine et nous

L’affaire du lait frelaté chinois en 2008 a marqué les annales planétaires
en matière de sécurité alimentaire. À l’aube des Jeux olympiques de 2008,
Beijing hésitait alors d’annoncer le rappel du lait contaminé malgré les
quelque 50 000 hospitalisations de jeunes nourrissons. La mélamine,
fortement utilisée dans la fabrication du plastique, masque la présence d’eau
dans le lait puisqu’elle est riche en azote. Depuis lors, l’image et la
réputation du pays ont grandement écopé. Bien que le scandale ait d’ores et
déjà eu un impact très négatif sur les exportations alimentaires en Chine,
les Chinois eux-mêmes sont plus que jamais sensibilisés par la sécurisation
alimentaire.

Depuis l’incident de 2008, la Chine a adopté des lois plus sévères et
exigeantes que le Canada et les États-Unis. Par contre, vu sa topographie
complexe et la migration spectaculaire des citadins vers les grands centres
urbains, l’application des nouvelles règles s’avère difficile. Afin d’y
remédier, la Chine a ouvert ses frontières à d’autres pays, incluant le
Canada, afin d’aider le secteur de la transformation alimentaire à appliquer
une plus grande rigueur. Depuis le scandale de 2008, la Chine a démontré une
soif d’apprendre des autres. Certaines entreprises utilisent déjà des
technologies aussi performantes que celles que l’on retrouve en occident.
Avec un cadre financier plus flexible, la majorité des entreprises chinoises
dans le domaine agroalimentaire investiront davantage et utiliseront
désormais des systèmes informatiques de haut niveau d’ici les vingt
prochaines années. Le prix ne sera plus le seul avantage concurrentiel. Avec
une meilleure salubrité et une innocuité alimentaire à offrir au monde, la
qualité des produits attirera de plus en plus l’attention.

La Chine est une nation qui s’adapte, qui s’organise. Malgré ses erreurs du
passé, la Chine fonce et s’assume. En effet, elle s’adapte à un rythme
phénoménal. La Chine n’est pas une nation État ordinaire, car elle se voit
comme une civilisation qui transcende les générations, les modes. En
considérant que la Chine est occupée par plus de 1,3 milliard d’habitants,
le paternalisme étatique en Chine est perçu comme une nécessité. Les valeurs
restent les mêmes malgré les événements qui ont marqué son histoire. C’est
un pays fier d’une histoire riche tout en ayant la capacité de canaliser ses
efforts vers des objectifs collectifs, et son secteur agroalimentaire n’y
est pas exclu. La Chine reconnaît son rôle de pourvoyeur planétaire de
produits alimentaires abordables, et elle tient à le faire de façon
responsable.

De plus, la volonté de développer une économie en harmonie avec l’environnement
semble prendre peu à peu sa juste place au sein du gouvernement pékinois.
Son économie centralisée et organisée lui permettra d’instaurer un régime de
développement durable qui dépassera vraisemblablement l’efficacité de
certaines de nos politiques au Canada d’ici 2030. À l’instar de l’échec de
Kyoto, la Chine va devoir accepter d’emboîter le pas vert afin de préserver
ses ressources naturelles limitées. Rappelons que seulement 17 % des terres
chinoises sont arables et qu’une grande partie de son territoire n’a pas
accès à de l’eau potable. Le modernisme passe par une meilleure gestion des
ressources, et les Chinois le reconnaissent.

Bref, pendant que la Chine progresse, les étudiants au Québec manifestent
toujours. C’est un contraste qui frappe. Contrairement à celles qui les ont
précédées, la génération que représentent les étudiants verra la Chine
devenir une superpuissance économique. D’ailleurs, on estime que d’ici 2050,
la dimension de l’économie chinoise doublera celle des États-Unis. Pour
dominer le monde, les Chinois ont compris depuis fort longtemps qu’il faut
apprendre des autres au lieu de s’obstiner de croire que personne ne les
comprends. Espérons qu’un jour, les étudiants québécois apprennent un peu
des Chinois.


Dr. Sylvain Charlebois
Vice-Doyen à la recherche et aux études supérieures
College en Management et Études Économiques
Université de Guelph

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