COMMUNIQUÉ: St Hyacinthe, 24 septembre 2012.
Madame Marois, le parti Québécois a repris depuis quelques temps un terme qui
est employé par les paysans du monde entier afin de faire valoir leur droit à
l'autodétermination en terme d'agriculture et d'alimentation: la
souveraineté alimentaire. Ce concept a été développé par la Via Campesina1 aux termes de rencontres régionales, nationales et mondiales s'étalant
sur plusieurs années. C'est donc un mot chargé de sens et qui porte le travail
et les espoirs de plus d'un milliard de paysans et d'artisans sur le globe; il
ne doit donc pas être pris à la légère.
L'Union paysanne a introduit le
concept de souveraineté alimentaire au Québec depuis sa fondation, car elle y
croit et qu'elle y travaille concrètement comme membre de la Via Campesina.
Malheureusement, l’expression a été récupérée par l'Union des producteurs
agricoles qui en a purgé les éléments les plus compromettants pour elle et
travesti le sens profond pour en faire un concept fourre-tout.
La souveraineté alimentaire, telle
que définie par les paysans du monde entier, s'oppose à tout ce qui rend les
agriculteurs dépendants de l'agro-industrie: OGM, pesticides, engrais
chimiques, brevets sur les semences, etc. Autant de chose qui ont été exclus
par l'UPA de sa définition-maison.
La souveraineté alimentaire
suppose également le droit à la syndicalisation des ouvriers agricoles. Et
bien, l'UPA s'y est opposé et s'y oppose encore. Mais surtout le concept de la
souveraineté alimentaire inclut de façon intrinsèque l'autonomie des
agriculteurs et la liberté d'association. Madame Marois, devons-nous vous
rappeler que le Québec est le seul endroit sur la planète qui, pour le seul
bénéfice de l’UPA, refuse à ses agriculteurs le droit de s'associer librement?
Où est l'héritage de René Lévesque dans cela?
Le parti Québécois a depuis plus
de 20 ans un bilan lourdement négatif avec l'agriculture, surtout en ayant omis
de gouverner et cautionné de très mauvais choix. Un bon nombre de députés de
votre parti nous on raconté cette blague qui circulait dans les coulisses
de l'Assemblée nationale : «l'agriculture, pas besoin de s'en
occuper…l'UPA s'en occupe».
Les déclarations de votre député
Marie Bouillé quand à un «sommet sur l'avenir de l'agriculture» n'a évidemment
rassuré personne. Faut-il rappeler que la population du Québec a connu il y a 5
ans l'une des plus importantes commissions de son histoire, réunissant la
population et le monde agricole? Faut il rappeler que cette commission donna un
rapport audacieux, visionnaire et encensé par tous…..hormis l'UPA?
D’un autre côté, nous sommes
conscients que vous vous présentez comme une chef de parti voulant changer les
choses et que l'écologie semble faire partie de votre vision avec des décisions
comme Gentilly et les gaz de schiste. En ce sens, les nominations de personnes
comme Daniel Breton, Nicole Léger, Stéphane Bergeron, Martine Ouellet et Scott
Mackay sont des signes d’espoir. «Pourrez-vous assurer aux agriculteurs et à
la population du Québec que la cogestion de l'agriculture avec l'UPA est bel et
bien terminée et que votre parti est venu pour gouverner?»
Depuis sa fondation, l’Union
paysanne a travaillé avec les autorités en place, fournissant analyse et
expertise pour une meilleure compréhension de la situation agricole. Notre
alliance unique entre fermiers et citoyens a su orienter les débats vers une
vision globale de l’agriculture. Bien avant le virage vers une « politique
alimentaire », l’Union paysanne avait compris que les consommateurs et
l'environnement doivent faire partie de la réflexion de société pour élaborer
un nouveau contrat avec l’agriculture. Derrière les différents rapports des
dernières années y'a l'Union paysanne et ce n'est pas un hasard.
À cet égard, nous sommes plus que
disposés à travailler avec le nouveau gouvernement formé pour faire part d'une
vision renouvelée de l’agriculture. Et nous, nous ne réclamons pas plus de
subventions. Au contraire, les paysans et les artisans sont des entrepreneurs,
des chefs d’entreprises qui demandent d'abord de l'autonomie et de la liberté
afin de créer. Nous avons un contrat social à vous proposer, à l’avantage de la
population et des fermiers. Et nous tenons à le réaffirmer, il n'y aura pas
de réelle souveraineté alimentaire….sans agriculteurs souverains.
Source :
Benoit Girouard, président Union
paysanne
1- Né en 1992, la Vía Campesina est un mouvement international
composé d’organisations paysannes de petits et moyens agriculteurs, de
travailleurs agricoles, de femmes ainsi que par des communautés indigènes
d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. Il représente le plus grand
mouvement d'agriculteurs au monde.
C’est un mouvement autonome, pluraliste et indépendant de tout
mouvement politique, économique ou autre. Il est composé d’organisations
nationales et régionales qui préservent leur autonomie. Le mouvement s’organise
en sept régions : Europe, Asie du Nord-Est et du Sud-Est, Asie du Sud, Amérique
du Nord, Caraïbes, Amérique centrale et Amérique du Sud.