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Une banque de terre au cœur du débat

par Jean-Pierre Lemieux

Même si le projet de loi sur l’acquisition de terres agricoles par des non-résidents (projet de loi 46) n’en parle pas, l’éventualité de la création d’une Société d’aménagement et de développement agricole du Québec (SADAQ) a fait l’objet de commentaires par tous les organismes invités à présenter un mémoire devant la Commission parlementaire sur l’Agriculture (CAPERN).

Seul le Conseil des entrepreneurs agricoles (CEA) ne voit pas la nécessité de créer un tel outil. Ce n’est pas étonnant selon le président de l’organisme M. Jacques Cartier puisqu’il « est le seul organisme présent à cette audience qui est non lié de quelconque façon à l’Union des producteurs agricoles (UPA). L’UPA porte le débat sur l’accaparement des terres au Québec et souhaite la mise en place d’une nouvelle structure pour contrôler encore plus les producteurs via les ventes de terres, une Société d’aménagement et de développement agricole du Québec (SADAQ). Un outil qui n’a d’ailleurs jamais été demandé à la base par les producteurs… »

À ce sujet le ministre de l’Agriculture M. François Gendron a répété qu’il voudrait un « outil » qui rendrait disponible des terres agricoles, une banque de terre, mais sans nécessairement faire la promotion de l’outil SADAQ. Pour le moment sa réflexion n’est pas terminée sur le meilleur outil à promouvoir et ce n’est d’ailleurs pas l’objet des consultations actuelles en commission parlementaire.

Pas d’accaparement

M. Cartier a cité trois rapports : IRÉC pour le compte de l’UPA, AGÉCO pour la COOP fédérée et Cirano pour le ministère de l’Agriculture.

« Ces rapports offrent une lecture de la situation actuelle au Québec et de la réalité québécoise en matière « d’accaparement des terres ». Ils en arrivent tous à une même conclusion : bien qu’il existe relativement peu de données substantielles sur le phénomène d’accaparement des terres au Québec, les données disponibles démontrent clairement qu’il n’y a pas de phénomène d’accaparement des terres agricoles québécoises. »

Pour M. Cartier les deux lois actuelles sur la protection du territoire et celle sur l’acquisition de terres agricoles offrent une sécurité suffisante. « Les données compilées indiquent donc qu’au Québec 84 % des terres agricoles sont possédées par des agriculteurs d’ici. Ce pourcentage tombe à 64,6 % au Canada et avoisine seulement les 30 % en France »

Le CEA déplore la « confusion » actuelle parce que « Certains tentent de lier l’accaparement à la spéculation foncière et à la hausse de la valeur des terres agricoles du Québec ».

Où mènera la Loi 46 ?

Le CEA voudrait que la loi exige qu’un acquéreur non-résident soit obligé de mettre en valeur ses terres ou de les faire exploiter par des producteurs actifs. Présentement il n’a qu’à manifester son intention de les exploiter.

Le projet présentement à l’étude limiterait l’acquisition par des non-résidents à 1 000 hectares par année. Le CEA voudrait que la limite soit fixée à 200 hectares par projet et non pour l’ensemble du Québec.

Le conseil recommande aussi de resserrer les critères définissant le statut des personnes morales propriété de Québécois à 80% au lieu du « plus de 50% » de la loi actuelle.

Que dit L’UPA ?

Pour préserver le modèle agricole québécois l’UPA estime qu’il est urgent de mettre en place un mécanisme comme la SADAC. « Ces mécanismes doteraient la Politique québécoise de souveraineté alimentaire d’outils permettant à la fois de freiner la spéculation foncière, de rétribuer correctement les agriculteurs qui vendent leur ferme au moment du départ à la retraite, de favoriser l’installation d’une relève axée sur l’agriculture de métier, d’assurer des conditions de location optimales pour les producteurs, et de maintenir la structure d’occupation du territoire ».

Qu’en pense Solidarité rurale ?

Bien que « conscients que l’accaparement des terres agricoles n’est pas un phénomène très répandu au Québec », la présidente de Solidarité rurale, Mme Claire Bolduc croit « qu’il faudra s’assurer de la mise en place de mécanismes efficaces pour discerner un mauvais projet d’acquisition, basé sur la spéculation ou la simple logique marchande, d’un projet d’acquisition basé sur un désir de se réaliser en tant qu’agriculteur –un magnifique métier –et de contribuer au développement de la ruralité québécoise ».

Où se situe l’opposition ?

Le porte-parole de l’Opposition officielle, M. Stéphane Billette, a fait remarquer qu’il fallait bien faire la différence entre l’acquisition des terres à des fins de spéculation et l’acquisition pour l’exploitation par des étrangers.

Pour M. Donald Martel, de Coalition Avenir Québec, il faut se préoccuper de l’augmentation de l’évaluation foncière des terres. Ce n’est pas parce que le problème d’accaparement n’est pas criant, dit-il, qu’il ne faut pas s’en occuper dès maintenant.

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