Le 6 mars dernier, La Régie des marchés agricoles rendait une décision quant à la démarche de l’association de défense des producteurs de bovins du Québec ( ADPBQ) qui contestait la mise à l’écart de certains de leurs représentants par la Fédération des producteurs de bovins.
Peut-on éjecter un membre pour non-paiement de sa contribution ?
Il faut se rappeler, déclare la Régie des marchés agricoles, qu’à l’assemblée générale annuelle de la Fédération tenue les 3 et 4 avril 2013, les modifications apportées aux règlements généraux de la Fédération portaient, entre autres, sur des modifications administratives et ajoutaient des critères d’éligibilité pour les administrateurs, les membres des comités de mise en marché, les délégués et les délégués substituts, notamment en regard du respect des règlements en vigueur dans le cadre du Plan conjoint, dont le paiement des contributions.
Depuis l’Association de défense des producteurs de bovins demandait à la Régie de refuser d’approuver les modifications règlementaires que lui soumet la Fédération. L’ADPB soumet que l’approbation des modifications demandées rendrait inéligible à l’élection à un poste de membre ou de membre substitut des comités de mise en marché ou délégué ou délégué substitut, un producteur agricole soumis au Plan conjoint et que ces modifications permettraient de démettre de sa fonction un producteur membre d’un comité de mise en marché malgré que ce producteur soit parvenu à occuper cette fonction dans le respect des règles démocratiques et avec le soutien des membres votants. Pour L’ADPB, cette demande de la Fédération est irrecevable puisqu’elle ne respecte pas les règles de procédure syndicale et de saine gestion démocratique d’un syndicat.
Un contestataire peut sièger sur un comité déclare la Régie.
La Régie considère que le fait de siéger sur un comité ne fait pas perdre ses droits à un membre. Il peut très bien y avoir des cas où un producteur membre d’un comité de mise en marché conteste l’application que fait, à son égard, la Fédération chargée de l’application de la réglementation prise dans le cadre du Plan conjoint et des conventions de mise en marché. Il apparaît toutefois opportun que, dans un tel cas, le membre soit proactif. Il y a donc lieu de prévoir, précise la Régie des marchés, des dispositions particulières pour les membres des comités de mise en marché dans de telles circonstances. Ces producteurs devront, dans un délai de 30 jours de la réception d’une facture ou d’un avis de défaut de la Fédération, contester devant la Régie la facture ou l’avis de défaut. Ils devront se conformer à la décision de la Régie dans les 30 jours de celle-ci à moins d’entreprendre des recours devant les tribunaux de droit commun. À défaut, ils ne seront pas éligibles à être nommés membres des comités de mise en marché ou, le cas échéant, pourront être démis de leur fonction.
La Régie va dans le sens de l’ADPBQ
Pour la Régie, le droit de vote des producteurs visés par un plan conjoint est garanti par l’article 85 de la Loi. Ainsi, un producteur qui vote directement lors d’une assemblée de producteurs ne perd pas son droit de vote s’il ne respecte pas la réglementation en vigueur dans son plan conjoint ou s’il n’a pas payé ses contributions. La Régie considère que la possibilité prévue à l’article 84 d’élire des délégués constitue un moyen pratique de permettre l’expression du droit de vote des producteurs et n’a pas pour objectif d’imposer des restrictions à ce droit. La Régie estime que les producteurs devraient pouvoir élire les délégués de leur choix, y compris, s’ils le désirent, un délégué dont les vues ne sont pas celles de la majorité.
Des producteurs à la défense du vote secret
Le producteur Jean-Charles Parent a fait valoir devant la Régie l’importance de la tenue d’un vote secret dans les régions puisque souvent l’assemblée est constituée de voisins ou de parents, ce qui occasionne des malaises et fait en sorte que plusieurs producteurs ne s’expriment pas. Guy Lessard a souligné qu’il a représenté l’UPA pendant 19 ans et qu’en 2012 il a été désigné administrateur, ayant été appuyé par 42 producteurs de sa région. Il a été déclaré inéligible par la suite parce qu’il contestait la contribution spéciale réclamée par la Fédération et a rencontré le comité de déontologie. Il considère que la Fédération n’écoute pas les producteurs préférant leur imposer des règles. Quant aux contributions spéciales, il estime que les producteurs ont été bafoués, seuls 10 % de ceux-ci se sont exprimés, les décisions ayant été prises par les délégués. Jocelyne Bergeron-Pinard s’est opposé aux demandes de la Fédération, en soulignant que la possibilité de tenir un vote secret pour l’élection des délégués et délégués substituts lorsque deux producteurs le demandent devrait être maintenue.
Le vote secret validé par la Régie
Quant à la demande de modification à l’article 27 du Règlement sur la division en groupes géographiques et sur le regroupement en catégories des producteurs de bovins de ne tenir un vote secret lors de l’élection des délégués et délégués substituts que si la majorité des voix exprimées le demande, la Régie questionne l’opportunité de la proposition et considère qu’il n’y a pas lieu d’y faire droit. Un producteur qui souhaiterait voir élire un délégué plus contestataire devrait pouvoir le faire, sans que tous les autres producteurs le sachent. Dans le contexte actuel où un certain nombre de producteurs contestent la gestion de la Fédération, une disposition qui restreindrait indûment le recours au vote secret est de nature à empêcher l’expression libre du vote du producteur et, par là, la vie démocratique associée à la mise en marché collective visée par la Loi.
Chronologie des évènements
Le 17 avril 2013, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec recevait de la Fédération des producteurs de bovins du Québec une demande d’approbation de modifications apportées au Plan conjoint des producteurs de bovins du Québec , au Règlement sur la division en groupes géographiques et sur le regroupement en catégories des producteurs de bovins et aux Règles de régie interne de la Fédération des producteurs de bovins du Québec.
Le 16 avril 2014, la Régie a informé la Fédération qu’à la suite de la demande d’approbation des règlements précités, elle a décidé, lors de sa séance plénière du 14 avril 2014, de procéder à la tenue d’une séance publique aux fins de recevoir les observations des personnes intéressées par cette demande. Le 16 juin 2014, la Régie tient une conférence préparatoire regroupant la Fédération et d’autres offices chargés de l’application d’un plan conjoint afin d’examiner la possibilité de traiter les demandes de nature semblable reçues de ces derniers lors d’une séance publique et d’évaluer l’opportunité de traiter ces dossiers sur la base d’observations écrites.
Le 7 juillet 2014, lors d’une séance plénière, la Régie décide de publier un avis public à la Terre de chez nous à l’effet qu’elle tiendra une séance publique pour recevoir les observations des personnes intéressées quant aux modifications apportées aux règlements pris dans le cadre du Plan conjoint.
Le 15 octobre 2015, l’avis public de la Régie est publié, indiquant que la Régie entendra les observations des producteurs intéressés par la demande de la Fédération le 4 novembre 2014, à Montréal.
À la suite de demandes de remise de la séance publique du 4 novembre 2014 reçues de l’Association de défense des producteurs de bovins (ADPB), de la Ferme Proulx Beauchamp SENC, de Jean-Louis Tinant et de Claude St-Denis, la Régie tient une conférence préparatoire, le 3 novembre 2014, afin de déterminer la pertinence de remettre la séance publique et, le cas échéant, de déterminer une nouvelle date pour sa tenue. Il est alors convenu de remettre la séance publique au 8 décembre 2014.
La Régie fait publier un avis public dans l’édition du 19 novembre 2014 de la Terre de chez nous précisant la date, l’heure et l’endroit où sera tenue la séance publique visée. Quelques mois plus tard une décision a été rendue le 6 mars 2015.