Vision de Drainville

Bernard Drainville a répondu à deux questions posées par La Vie agricole sur l’accaparement des terres, la relève agricole et le syndicat.

Accaparement et relève – D’abord, permettez-moi de saluer tous vos lecteurs, dont plusieurs citoyens de l’Île-Dupas, où j’ai grandi…sur une ferme! Fils d’agriculteur, je connais très bien la vie agricole au quotidien. Ça ne veut pas dire cependant que je suis un expert de la réalité actuelle des producteurs québécois.

Ce dont je suis certain, c’est que nous sommes devant un gouvernement libéral qui ne croît pas à l’agriculture comme secteur névralgique de notre économie, comme vecteur de l’occupation de notre territoire et comme moteur de notre souveraineté alimentaire. À preuve, le dernier budget prévoit des compressions de 151 millions de dollars en agriculture! L’austérité jusque dans nos champs, ce n’est certainement pas de nature à aider notre relève.

Cela dit, le défi de la relève agricole figure tout en haut des enjeux soulevés par le milieu depuis plusieurs années. On le sait, acheter une ferme de nos jours peut être très coûteux, encore plus s’il faut racheter un quota de production. C’est sans parler de la difficulté pour les plus jeunes (et moins jeunes) d’obtenir le financement nécessaire à l’achat. Plusieurs jeunes désireux de se lancer dans la production agricole en démarrant une petite ferme, souvent pour des productions de niche, m’ont dit que les programmes n’étaient pas faits pour eux et demeuraient inaccessibles. Évidemment, il y a aussi toutes les difficultés de transferts de fermes apparentées ou non.

Bref, les défis sont importants et nombreux mais pour les relever encore faut-il être à l’écoute de notre belle et fougueuse relève agricole ! Elle doit faire partie intégrante de l`équation. Et les jeunes nous proposent pleins de pistes de solutions. Ceci étant dit, il me semble que parmi les solutions qu’il nous faut envisager, la refonte des programmes de la Financière agricole est une voie obligée. Si, pour le gouvernement du Québec, le défi de la relève agricole est prioritaire (ce qui ne transparait d’aucune manière), les programmes de la Financière devraient être remodelés pour aider les jeunes de la relève, non seulement pour racheter les fermes actuelles, mais aussi pour en lancer de nouvelles. Et puis, nous savons que du total des subventions accordées par le gouvernement fédéral aux producteurs agricoles, environ 10 % parviennent au Québec, alors que nous finançons, bon an mal an, autour de 20 % des dépenses fédérales. Ça signifie que le Québec subventionne l’agriculture dans le reste du Canada. L’indépendance nous permettrait de récupérer des dizaines, voire des centaines de millions de dollars que nous pourrons consacrer à notre agriculture, et bien sûr, à notre relève. Pour ce qui est de l’acquisition des terres par des investisseurs, ou si vous préférez la financiarisation, je n’y vois pas une solution mais plutôt un problème.

Syndicat – En ce qui a trait à la seconde question portant sur « le monopole » de l’UPA dans la représentation syndicale, je suis conscient que l'Union paysanne et le Conseil des entrepreneurs agricoles revendiquent la pluralité, mais au bout du compte, n’est-ce pas aux agriculteurs eux-mêmes que doit revenir la décision?

Il y a un danger, cependant, celui de fragmenter la représentation agricole, ce qui pourrait avoir pour effet d’affaiblir la force de représentation de tous les producteurs agricoles, petits ou grands. Dans le contexte actuel de mondialisation des marchés, avec un gouvernement à Québec qui fragilise le secteur, un gouvernement à Ottawa qui semble prêt à brader nos marchés pour signer des ententes de libre-échange, il me semble qu’il faut faire bien attention de ne pas affaiblir le rapport de force des producteurs québécois.

 

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