Martine Ouellet a répondu à deux questions posées par La Vie agricole sur l’accaparement des terres, la relève agricole et le syndicat.
Accaparement et relève : Un milieu agricole fort est vital pour la santé économique des Québécois et pour l’occupation de notre territoire. Quand on apprend que la proportion des aliments québécois, consommés par les Québécois, a diminué de 78 % à 33 % entre 1985 et 2009, cela nous oblige à réfléchir le modèle alimentaire que nous voulons perpétuer pour les générations futures. Or, comme nous l'indique Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins, si chaque famille québécoise remplaçait 20 $ de bien étrangers par des biens québécois à chaque semaine, 100 000 emplois pourraient être créés ici. Imaginez l’impact sur la relève agricole du Québec si on consommait plus d’aliments québécois.
Lors du dernier mandat au gouvernement du Parti Québécois, nous avons bonifié l’aide financière à la relève. Je souhaite poursuivre ce travail d’appui aux aspirants agriculteurs en offrant un capital-patient pour l’acquisition de terres et la reprise de fermes. Au sujet de la financiarisation des terres agricoles, je considère qu’au Québec, on ne veut pas devenir un peuple de locataires, on veut être des propriétaires. Il ne faut surtout pas que nos terres arables deviennent un outil de spéculation. C’est pourquoi je compte documenter le phénomène de la financiarisation des terres agricoles et en concertation avec le milieu, la contrer. Il s’agit de préserver et de pérenniser le modèle québécois d’agriculture familiale, mais aussi de créer les conditions d’un réel dynamisme rural. De plus, il existe des façons de faire ailleurs dans le monde pour protéger la propriété des terres agricoles et faire en sorte que la relève soit favorisée lorsque des terres deviennent disponibles sur le marché.
Syndicat : Au Québec, nous avons la chance de compter sur plusieurs filières agricoles émergentes qui seront appelées à prendre de plus en plus de place au cours des prochaines années et qui arrivent avec de nouvelles façons de travailler. Par exemple, le secteur biologique doit nécessairement croître puisque de 70 à 75 % des produits biologiques consommés ici sont importés. Le défi sera de concilier les nouveaux joueurs avec les anciens. Il existe aussi des solutions que tous les acteurs devront appuyer, telles l'introduction de plus de produits québécois à la SAQ et l'incitation aux grandes bannières afin qu'elles offrent plus de produits régionaux aux consommateurs.
Compte tenu des défis auxquels fait face l’agriculture dans un contexte d’économie mondialisée, il est essentiel d’avoir un rapport de force. Les syndicats sont de grands artisans du progrès social et économique du Québec. Ceci étant dit, la question syndicale en agriculture doit être abordée et c'est au milieu agricole de trancher sur le type de système qu'il désire maintenir. Je préconise de documenter cette question pour avoir un portrait complet des enjeux. L'objectif est de permettre aux différents acteurs de trouver une solution équilibrée qui permettra de concilier une industrie forte devant la compétition étrangère tout en permettant l'agriculture émergente et l'innovation au Québec, grande créatrice de richesse. De plus, il faut encourager le modèle coopératif agricole du Québec, qui occupe une place de choix sur la scène mondiale et qui est un exemple à suivre pour plusieurs pays en développement.
En devenant indépendant, le gouvernement du Québec pourra mieux représenter les agricultrices et les agriculteurs d’ici. Il pourra négocier lui-même les ententes internationales, ce qui fera en sorte de favoriser notre secteur agroalimentaire pour l’amener à une plus grande prospérité.