Recours collectif pour le porc ?

Changement de tactique. Les Agriculteurs lésés par la Financière agricole (ALFA) à qui la Cour supérieure a refusé à la fin de juin d'accorder la requête de provision pour frais qu'ils souhaitaient depuis longtemps, n'iront pas en appel de cette décision mais demanderont la permission d'intenter un recours collectif au nom de tous les producteurs de porcs qui sont ou ont été propriétaires d'une ferme de type familiale.

L'avocat au dossier depuis le début, Me Gérard Samet a expliqué que la requête d'autorisation en recours collectif sera « sur la même base que la cause pendante devant la Cour supérieure ». Me Samet cherchera à faire établir par la cour que « les producteurs agricoles indépendants doivent avoir la priorité pour bénéficier de l'ASRA (Assurance de stabilisation des revenus agricoles) » tout en se demandant « si l'ASRA qui finance tout le monde y compris les intégrateurs n'est pas la cause du brusque resserrement de l'ASRA qu'il y a eu en janvier 2009 ».

Le recours visera à faire établir si le resserrement était raisonnable et si « la Financière agricole (FA) n'a pas été déraisonnable non seulement parce qu'elle accueille des gens qui ne devraient pas figurés parmi les bénéficiaires mais aussi parce qu'elle a resserré brutalement ses prestations au détriment des producteurs qui en ont subi des conséquences dramatiques ».

Haro sur les intégrateurs qui devront payer ?

Devant la quinzaine de membres de l'ALFA, qui ont adopté ce changement de tactique à l'unanimité en assemblée à Bernières le 22 juillet, Me Samet a expliqué qu'il demandera « Pourquoi on a interprété depuis des années que les intégrateurs pouvaient profiter de l'ASRA ». Les difficultés viendraient du fait que la Financière Agricole a accepté des membres (les intégrateurs) qui n'y avait pas droit selon son interprétation de la loi.

Me Samet a cité Jean Garon, l'ex-ministre de l'Agriculture décédé l'an dernier, qui a déclaré plusieurs fois que l'ASRA était prévue pour aider « la ferme familiale indépendante et performante ». L'ex-ministre estimait que les intégrateurs ne devaient pas bénéficier de cette aide. « Nous estimons qu'il y a eu préjudice et nous allons demander de déterminer s'il y a eu faute » d'ajouter Me Samet.

Pas d'intérêt public

En rejetant le 25 juin dernier la requête de l'ALFA pour provision pour frais, le juge Jacques Blanchard de la Cour supérieure du Québec en était arrivé à la conclusion : « Le présent recours est une simple action civile qui ne soulève aucune question d’intérêt public et seuls les demandeurs, en cas de succès, en bénéficieront ». La provision pour frais est une mesure rare et le juge Blanchard, évoquant la jurisprudence, a souligné qu'il y a trois critères à respecter dans le cas d'un tel recours : les demandeurs n'ont pas d'argent, la cause semble suffisamment valable à première vue et la cause est d'intérêt public.

L'ALFA a déjà regroupé une centaine de producteurs de porcs, maintenant ils sont 45. De ce nombre une vingtaine n'a pas les moyens de se défendre en cour. C'est pourquoi ils avaient fait cette demande de provision pour frais.  Un expert avait fait une analyse des dossiers des demandeurs.

À ce sujet le juge Blanchard écrit : « Quant aux états financiers soumis, ils ne sont pas vérifiés et à ce titre, ceux-ci peuvent être assimilés à du ouï-dire puisqu’ils n’expriment pas une opinion et le Tribunal n’est pas enclin à leur accorder la force probante que voudraient bien leur donner les 20 demandeurs. Le Tribunal ignore donc la situation financière réelle des 20 demandeurs en date des présentes ».

Devant le tribunal le 1er juin dernier, Me Samet avait fait valoir que le recours était d'intérêt public parce l'ALFA défend la ferme familiale indépendante, mais le tribunal n'a pas été convaincu et a rejeté la demande.

Recours collectif qui concerne plus de 2000 personnes !

Avec le recours collectif, l'objectif de Me Samet : « Notre recours est d'abord déclaratoire: qu'est-ce qu'un producteur au sens de l'ASRA? Qui peut en bénéficier? Si les industriels ne peuvent pas bénéficier de l'ASRA au sens des lois, ne devraient-ils pas rembourser les sommes perçues? »

L'avocat précise : « Nous lançons donc, en plus de notre recours existant (action en dommage de 45M$) une requête en autorisation de recours collectif qui va viser tous les producteurs de porcs indépendants du Québec, ou qui l'ont été ». Près de 2000 personnes ou fermes seraient concernées selon son estimation.

Deux appels devant la Cour suprême

Deux appels sont présentement devant la Cour suprême dans des causes impliquant la Financière agricole. Dans un cas (Létourneau) c'est le calcul de compensation de la Financière Agricole versée aux producteurs porcins qui est en litige. Dans le dossier Vi-Ber ce ne sont pas seulement des producteurs de porcs mais aussi des producteurs de bovins, de pommes de terre et de céréales qui se plaignent d'une indemnisation injuste appliquée au programme de l'ASRA.

 

 

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