Imaginez un engrais qui demeure dans le sol jusqu’à ce que les plantes en aient besoin au lieu d’être emporté par les eaux, ou de donner aux plantes plus de nutriants qu’elles en ont besoin. C’est ce que la professeure de chimie Maria DeRosa et le professeur auxiliaire Carlos Monreal de l’Université Carleton développent – un engrais intelligent qui libère ses nutriants uniquement lorsque les cultures le lui indiquent.
Il s’agit d’une technologie qui pourrait comporter de grands avantages pour l’environnement et la nutrition humaine. Actuellement, les engrais non utilisés ou excédentaires se retrouvent souvent dans les lacs et les cours d’eau, où ils créent une prolifération d’algues. Un engrais plus efficace et rentable peut jouer un rôle prépondérant pour accroître le rendement des cultures et pour aborder les problèmes de malnutrition en plus de réduire la quantité d’engrais que les agriculteurs doivent utiliser, ce qui se traduit par des économies de coûts.
« Si une culture n’est pas prête à absorber l’engrais lorsqu’il est appliqué, il est alors gaspillé; on estime que nous gaspillons chaque année environ un milliard de dollars en engrais inutilisé », indique la professeure DeRosa. « Notre objectif est de concevoir un engrais intelligent qui libère ses nutriants pour une culture seulement lorsqu’elle en a besoin. »
Pour ce faire, la professeure DeRosa utilise des aptamères, de courts fragments d’acide nucléique simple brin, qui peuvent se fixer à de petites ou grosses molécules cibles.Sa recherche consiste à identifier ces aptamères, lesquels sont la « clé » pour trouver quelles séquences d’ADN se fixeront aux molécules cibles.
Par exemple, en médecine humaine, cette approche commence à être utilisée pour détecter les cellules endommagées et les distinguer de celles qui sont saines afin que la thérapie ne soit administrée uniquement qu’aux cellules malades.Les cultures comme le blé et le canola dégageront des signaux chimiques lorsqu’elles auront besoin d’azote.
C’est grâce à un partenariat avec le professeur Monreal, qui est également un chercheur scientifique avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, que la professeure DeRosa et son équipe ont appris l’identité de certains de ces signaux, lesquels permettent à la professeure DeRosa de programmer le revêtement de capsules d’engrais biodégradables spécifiques qu’elle a développé pour libérer les nutriants uniquement lorsque les plantes en ont besoin.
« Par exemple, si nous insérons l’engrais dans une capsule biodégradable enrobée, le revêtement protégera l’engrais jusqu’à ce que le signal soit reçu par la plante qui a besoin d’engrais. Ce signal atteindra l’aptamère dans le revêtement, le décomposera et libérera l’engrais », explique la professeure DeRosa, en ajoutant que les capsules protègent l’engrais d’être emporté par les eaux ou endommagé par des températures extrêmes; mails elles permettent aux nutriants d’être libérés.
Suite au développement réussi du revêtement, de la capsule et des essais en laboratoire, la professeure DeRosa et le professeur Monreal déplacent maintenant leur concept dans une serre pour voir son efficacité avec de vraies plantes et des sols réels.
Si le projet s’avère être un succès, la professeure DeRosa indique que ce développement pourrait ouvrir tout un nouveau domaine quant à l’utilisation de la nanotechnologie et de polymères biodégradables pour aider à nourrir une population mondiale croissante, laquelle devrait dépasser les neuf milliards d’ici 2050.
Ce projet a reçu un soutien de la Coop Fédérée et Agrium, ainsi qu’un soutien d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et Alberta Innovates Bio Solutions.