Le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), dans sa lettre d'opinion, s'est porté à la défense du cartel mis en place en acériculture par l'un de ses syndicats. Il y va d'une mauvaise comparaison pour parler d'exception agricole alors qu'il faudrait surtout parler d'exception québécoise. Nulle part ailleurs dans le monde il n'est pensable de voir un syndicat, en situation de monopole, prendre le contrôle de tout un secteur agricole.
La prise de contrôle est si complète qu'elle peut même briser le lien entre une coopérative et ses membres. Parlez-en à Citadelle, la plus vieille coopérative de sirop d'érable au Québec. Du jour au lendemain, elle s'est retrouvée à devoir racheter le sirop de ses 2000 membres à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) avant de pouvoir le vendre. Oui! Vous avez bien lu. Racheter le sirop produit par ses membres. Cette situation existe aussi dans plusieurs secteurs agricoles sous contrôle de l'une des fédérations de l'UPA. Comment une telle chose est-elle possible dans un état moderne?
Eh bien, c'est en raison d'une vieille loi qui n'a jamais été modernisée : la loi sur la mise en marché des produits agricoles. Cette loi devait, à l'origine, permettre aux agriculteurs d'obtenir un rapport de force face aux acheteurs. Sous l'influence de l'UPA, elle s'est lentement resserrée pour devenir un outil hyper contraignant, voire totalitaire. Trois rapports majeurs en 15 ans le confirment. Autant la loi sur la mise en marché des produits agricoles était nécessaire, autant il est nécessaire maintenant de la réformer.
L'UPA paraît très mal lorsqu'elle défend le statu quo face à une loi qui lui permet de prendre le contrôle de la production de tout un secteur, d'en déterminer les acheteurs et le prix versé aux producteurs ou d'obliger un agriculteur à racheter le poulet qu'il produit avant de le revendre à sa voisine. Que ce soit de gauche ou de droite, c'est un cartel. Légal au sens de la loi, immoral au sens de la démocratie.
Si on ajoute qu'il est possible de faire cela sans un référendum préalable des entreprises touchées, on comprend mieux les milliers de producteurs de sirop d'érable qui ont dénoncé la FPAQ depuis 10 ans. Des milliers d'autres sont contents du système? Belle affaire! L'État devra répondre : est-ce normal qu'un syndicat puisse prendre le contrôle de la production d'une entreprise qui ne le veut pas? Alors que l'on sait que l'UPA et ses fédérations prélèvent annuellement plus de 150 millions $ dans les poches des agriculteurs pour gérer le système, on comprend mieux pourquoi on les compare aux 1 %.
La fin appartient aux commissaires du rapport Pronovost : «Il faut savoir aller au-delà de l'approche du tout ou rien selon laquelle il n'est pas possible d'apporter des changements à la mise en marché collective, de la faire évoluer sans provoquer un effondrement de tout le régime. Une telle attitude mène à la défense intégrale et sans condition du statu quo avec ses rigidités et ses contraintes évidentes qui sont en train d'hypothéquer lourdement l'avenir de l'agroalimentaire québécois.»
Benoit Girouard, président, Union paysanne