La mise au jour des conditions de travail immoral d’ouvriers agricoles étrangers dans une ferme du centre du Québec nous rappelle que l’esclavage moderne existe. Par chance, cette pratique est encore illégale au Québec et au Canada. Pourtant de telles conditions de travail existent dans plusieurs pays du monde, et pas seulement dans le tiers monde, mais aussi chez nos voisins du sud, les États-Unis. Ce cas de maltraitance d’être humain nous montre aussi que la barrière est mince entre combler un manque de main-d’œuvre chronique et l’exploitation immorale de la main-d’oeuvre étrangère.
Pour des raisons économiques, où tout simplement par avidité il peut être tentant pour une société ou pour des individus d’exploiter la frange la plus fragile de sa population afin d’avoir accès à de la main-d’œuvre pas chère. La frange la plus fragile d’une société est sans aucun doute celle des nouveaux arrivants, encore plus celle issue d’une « immigration illégale ». L’économie de certains pays en dépend totalement. L’Afrique du Sud en est un bon exemple. On y retrouve partout des ghettos ou plutôt des réserves où se massent des dizaines de millions d’immigrants illégaux en provenance du restant de l’Afrique, attirés par la vigueur de l’économie et l’espoir d’une vie meilleure. Ces réserves permises et contrôlées par le gouvernement sont un réservoir abondant de main-d’oeuvre pour l’ensemble de l’économie de l’Afrique du Sud. Les conditions de travail et de vie des gens de ces réserves n’ont rien à voir avec celle des habitants légaux de l’Afrique du Sud. Cette main-d’œuvre docile est tellement peu chère qu’elle rend certaines productions très économiques, voire plus économiques que si elles étaient mécanisées.
Une bonne partie de l’agriculture des États-Unis repose aussi sur cet esclavage moderne. Le gouvernement fédéral et plusieurs états tolèrent (le mot est faible pour certains états) la présence de millions d’immigrants illégaux. Ces immigrants, pour la plupart latino constituent un bassin de travailleurs dociles et peu chers pour les fermiers de l’oncle Sam. Difficile pour un illégal de se plaindre des conditions de travail avec une menace d’expulsion pour lui et sa famille s’il est repéré. Leur utilisation est généralisée aux États-Unis. Allez visiter des fermes aux États-Unis, vous remarquerez que la plupart des travailleurs sur les fermes sont latinos, vous remarquerez aussi les maisons mobiles près de la ferme où logent ces travailleurs avec leur famille. Des études sérieuses démontrent que la plupart d’entre eux sont des immigrants illégaux. D’ailleurs certaines grosses associations de producteurs agricoles aux États-Unis ont fait des représentations auprès des gouvernements pour leur dire que l’accès à ces travailleurs illégaux est essentiel aux fermes américaines.
Au Canada et au Québec, ce genre de pratiques d’esclavage est illégal et non acceptable. Les travailleurs étrangers sont là pour combler un besoin de main-d’œuvre déficient, ils doivent et sont traités comme n’importe quel travailleur. Plusieurs éléments font barrières à cet esclavage moderne, les lois du travail (entre autres) le salaire minimum, le contexte économique dans lequel évolue la production, la mécanisation et l’accès contrôlé à cette main d’œuvre. Le contexte économique difficile d’une production est un élément qui nous fait glisser tranquillement vers un système où l’accès à des esclaves devient une solution, particulièrement dans des productions qui sont en concurrence directe avec notre voisin américain. Notre système de gestion de l’offre et nos programmes de soutien à la production sont des éléments qui nous protègent de cette tendance. Le contrôle de l’accès à cette main-d’œuvre essentielle pour certaines productions devrait être renforcé, le regroupement « ferme » est un excellent modèle d’agence de recrutement, transparent et redevable. Cet organisme est un excellent gardien pour ne pas franchir la mince ligne entre des conditions de travail décentes et l’esclavage pour ces travailleurs immigrants.