Financer les indispensables travailleurs de rang

Saviez-vous que le nombre de travailleurs de rang tient dans une seule main au Québec, mis à part la Maison de répit, créée par l’organisme Au cœur des familles agricoles, pour être à l’écoute des producteurs agricoles ?  Juste pour la seule région des Laurentides, la travailleuse de rang, Meg Delisle, doit couvrir 1220 fermes entre Mont-Laurier et Mirabel. Elle a ouvert 113 dossiers d’interventions entre son entrée en fonction en octobre 2015 et septembre 2016.

Pourquoi les producteurs agricoles l’appellent-ils ? Pour, notamment, des questions de détresse psychologique, familiale ou conjugale, un essoufflement financier, la surcharge de travail, le suicide d’un proche.

À quoi ressemble le portrait du reste du Québec ? Difficile à dire. Par contre, ceux et celles qui doutent encore que le milieu agricole ait divers besoins psychologiques devront revoir leur position. En fait, des travailleurs de rang, il en faudrait au minimum un par région agricole au Québec.

Pour avoir une idée du soutien que les organisations sont prêtes à donner, tant financièrement qu’humainement, j’ai parlé à plusieurs directeurs généraux et présidents de syndicats. Autant chez les pros que les anti-UPA.  Il y a du travail à faire. Beaucoup. D’abord en matière d’empathie. Non, les personnes en détresse ne sont pas des loosers. Ni des désorganisés, ni encore des mal gérés comme certains m’ont dit. Ce sont des êtres souffrants, épuisés physiquement, moralement, émotivement, financièrement.

Mais soyons positifs. Les choses changent, à petits pas.

Depuis 2013, l’UPA est la seule organisation syndicale qui a mis des efforts à ce dossier mal aimé. La Confédération a mandaté un de ses anciens membres, Pierre-Nicolas Girard, pour tenir une série de consultations sur la question de la santé psychologique des producteurs. Il en a suivi la création de « sentinelles », ou si vous préférez des « sonneurs d’alerte ». Ce sont les professionnels qui gravitent autour des agriculteurs, qui ont le nez dans leurs livres, les bottines aux champs. Dans la plupart des régions, une pognée de personnes ont participé à des ateliers sur le suicide, pour qu’ils en détectent les signaux.  Quelques bureaux de psychologues ont ouvert leurs portes. Certains CISSS ont mis le sujet à l’ordre du jour de leurs comités santé mentale et sécurité. L’UPA souhaite maintenant que la Coop fédérée, VALACTA, les MRC forment aussi leurs propres sentinelles.

L’idée est bonne.  Tous les ordres professionnels et les grandes entreprises qui s’enrichissent avec l’agriculture devraient se sentir interpellés.

Le  directeur général de l’UPA, Charles-Félix Ross, m’a dit qu’il est prêt à s’impliquer personnellement. « Il faut prendre le taureau par les cornes et en parler ouvertement. »

Bien d’accord. Mais il faut plus. Il faut des investissements. Du vrai argent qui sorte des poches des ministères de l’Agriculture, de la Santé et des services sociaux, de la Confédération et des fédérations régionales de l’UPA, du Conseil des entreprises agricoles, de l’Union Paysanne et des millionnaires de l’agriculture.

Il faut financer la mise en place de travailleurs de rang, partout.

Car, si on veut une agriculture forte au Québec, des campagnes dynamiques, il va falloir considérer les travailleurs de rang aussi indispensables que l’agronome.

 

 

 

 

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