Avec les réseaux sociaux, chacun dans sa bulle, vrai aussi en agriculture?

Le professeur de droit à Harvard Lawrence Lessig et penseur du net déclarait sur France-Info fin décembre qu’ il y a urgence à reconstruire des espaces communs de discussion. Une réflexion qui n'est pas pour déplaire aux initiateurs de l'Institut Jean-Garon

Il confiait à France-Info avec une certaine inquiétude «qu’il observe comment Internet est à la fois un outil fantastique et un outil qui a renforcé la crise démocratique»

Constitutionnaliste réputé, Lawrence Lessig est l'un des premiers penseurs du web. Dès les années 1990, il a réfléchi aux liens entre Internet et la démocratie nous rappelle France-info.* Ex-candidat à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine, il regarde avec inquiétude la victoire de Trump et ce qui l'a rendue possible de nous rappeler France-Info.

 Lors d’une entrevue avec la radio française alors qu’il reconnait qu’Internet avait pour objectif d’amener les gens à se parler plus, il a déclaré: «Nous ne réalisions pas qu’Internet allait aussi changer profondément la nature des communautés, la manière dont elles accèdent à l’information et la digèrent. Nous sommes passés de plateformes communes pour avoir de l’information [comme la télévision], à des plateformes de plus en plus fragmentées. Et les algorithmes qui alimentent les gens en informations sur les plateformes comme Facebook, produisent de plus en plus un monde dans lequel chacun vit dans sa propre bulle d’information.»

«Aujourd’hui, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter de la manière dont Internet nourrit la polarisation et une moindre compréhension des problèmes communs, à cause des algorithmes et de l’architecture du réseau.»

Des conséquences à la polarisation

«Nous vivions dans un monde physique où si on se promène dans la rue, on va être confronté à des gens différents, à des idées qu’on préférerait repousser. Mais dans le cyberespace, il est de plus en plus facile de segmenter les gens, de les cantonner à leur propre univers. Or se confronter à d’autres idées que les siennes, c'est l’essence de la démocratie. Laisser les gens vivre dans un monde où les seules idées et paroles qu'ils reçoivent sont celles qu'ils veulent, c'est détruire la base de l’engagement démocratique.»

Voilà une réflexion qui pourrait faire son chemin dans le monde agricole : «Laisser les gens vivre dans un monde où les seules idées et paroles qu'ils reçoivent sont celles qu'ils veulent, c'est détruire la base de l’engagement démocratique.»

Privilégier le consensus plutôt que le saut dans la vide comme le Brexit !

Il rappelle ensuite le plus grand pouvoir pris par les compagnies privées dans ce domaine et le rôle de plus en plus minimisé des États.

Installé depuis peu en Islande, il vante alors lors de son entrevue à France-Info, le processus politique engagé là-bas pour réécrire la constitution : «Les Islandais ont répondu à la crise financière de 2008 en lançant un projet incroyable de nouvelle Constitution «crowdsourcée»,[élaborée par les citoyens]. A la première étape, mille personnes sélectionnées par tirage au sort ont travaillé sur ce que devaient être les valeurs du texte. Ensuite, 25 personnes sélectionnées pour former une Assemblée ont passé quatre mois à écrire. C’est à peu près le temps qu’il a fallu aux Américains pour rédiger leur Constitution, mais la différence ici, c’est que chaque semaine ils ont posté leurs ébauches sur Facebook. Il y avait des retours et commentaires des personnes en Islande mais aussi à travers le monde entier. Cette dynamique a produit, au final, une très belle Constitution, approuvée par les deux tiers de la population. De mon point de vue, on a là tous les éléments dont une démocratie citoyenne a besoin : un échantillon représentatif de la population qui donne des informations sur lesquelles délibérer ; des experts pour aider à mener un travail sérieux et qui n’étaient pas des “insiders”. Il y avait aussi une règle très intéressante : chaque décision devait être prise par consensus, sans vote. Il n’était donc pas possible de juste créer des camps : il fallait travailler avec les gens, obtenir de la compréhension, des compromis. Et le texte a été approuvé à une très large majorité – pas comme le Brexit où 52 % suffisent à ce que la Grande-Bretagne saute de la falaise.»

 

*C'est à lui que l'on doit les licences "creative commons" (pour la mise à disposition d'oeuvres en ligne). Et la publication, en 2000, d'un texte devenu classique de la littérature numérique "Code is law" [“le code, c’est la loi"]. Il y expliquait qu'avec la numérisation de nos sociétés, le programme informatique était amené à faire loi. 16 ans, plus tard les algorithmes sont partout dans nos vies.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *