Le diable est aux vaches

"Une crise agricole au Québec: vers la fin des fermes laitières traditionnelles", 
de S.Bégin, Y.Turmine et Y.Patelli, publié par VLB et Vie agricole.

Si vous voulez comprendre le drame qui se joue présentement autour de la gestion de l'offre et des fermes laitières du Québec, voilà un petit livre simple, bien documenté, intelligent et essentiel, d'autant plus que la production laitière est le nerf de l'agriculture du Québec: 30% du revenu agricole au Québec, 40% du lait au Canada.

Le rempart de la gestion de l'offre

La gestion de l'offre dans une production, c'est 3 choses: le contrôle de la production (quotas), le contrôle des frontières (tarifs dissuasifs) et la négociation du prix à la ferme (en fonction des coûts de production)

La gestion de l'offre demeure la seule barrière sérieuse contre le dumping international, la concentration sans fin des fermes et la dégradation des produits (laitiers dans le cas présent: hormone de croissance, cellules somatiques, médicaments, lait recomposé, etc.). Sans elle, les 5800 fermes laitières québécoises (moyenne de 60 vaches) seront rapidement remplacées par quelques centaines de "fermes-à-mille-vaches", concentrées dans le centre du Québec, et les produits laitiers sans frontières coûteront aussi cher et seront de plus en plus pourris (c'est démontré!).

La tempête de la gestion de l'offre

Présentement, la gestion de l'offre est attaquée de toutes parts: 
-par les promoteurs des ententes de libre-échange qui n'en veulent pas;
-par les transformateurs (Agropur, Saputo et Parmalat=80% du marché) qui préfèrent acheter des concentrés de protéines laitières (lait diafiltré) et autres sous-produits laitiers bon marché (souvent produits par leurs propres usines aux USA et ailleurs), plutôt que le lait entier des agriculteurs québécois; 
-par le refus du gouvernement fédéral de fermer les frontières aux produits laitiers d'ailleurs, notamment à ces sous-produits bon marché (près de 20% présentement de la production réservée aux agriculteurs québécois, qui sont ainsi acculés à grossir ou mourir);
-par les instances syndicales et autres, qui ont accepté un compromis avec les agriculteurs ontariens qui autorise les transformateurs à utiliser le lait filtré d'origine canadienne au prix du marché mondial (6ème classe).

Résultat: le prix du lait ne cesse de baisser et les producteurs laitiers de démissionner. C'est le loup dans la bergerie.

Le sauvetage de la gestion de l'offre

Le nerf de la solution est à Ottawa et à Québec..
Pour gagner la bataille, il faudrait corriger les effets pervers qu'a développé la gestion de l'offre avec les conditions modernes:
-les brèches ouvertes dans les frontières;
-le prix exorbitant des quotas, qui génère la concentration: il devrait progressivement être remplacé par une autre façon de les répartir aux fermes existantes, à la relève, aux divers types de production, aux régions, etc.
-des volumes sérieux de productions de proximité et de niche devraient être autorisés hors quota;
-le MAPAQ devrait reprendre le contrôle de la gestion des plans conjoints de mise en marché (Régie des marchés agricoles, Offices de producteurs), et donc de la gestion de l'offre, et en retirer le contrôle à l'UPA, de façon à tenir compte de tous les intéressés;
-l'efficacité des fermes laitières pourrait être relancée en remplaçant les élevages hors sol par des fermes de plus en plus autosuffisantes centrées sur les fourrages plutôt que les céréales.

Un groupe de jeunes producteurs mènent le combat contre tous ceux qui les trahissent: ils s'appellent LAIT'quitable.

Roméo Bouchard, fondateur de l'Union paysanne.

 

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