Le gouvernement doit favoriser une autre agriculture, insistent des opposants aux pesticides

Les effets sur l’environnement du Roundup et de son ingrédient actif le glyphosate, de l’atrazine et des néonicotinoïdes sont suffisamment connus pour encourager le MAPAQ à appliquer avec fermeté sa Stratégie phytosanitaire québécoise 2011-2021, interpellent des chercheurs  et citoyens critiques des pesticides.

Ils étaient une centaine en février à participer au colloque « Grand Débat sur la stratégie québécoise 2015-2018 : pour une approche écosanté des enjeux, impacts et défis », organisé par le Collectif de recherche écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives de l’UQAM.

Certains diront qu’ils étaient entre convaincus. Ce sera faire preuve d’une partisanerie non productive que de chasser du revers de la main les informations qui ont été diffusées lors de cet événement.

Les recherches universitaires soumises, les témoignages d’agronomes actifs sur le terrain, d’agriculteurs et de médecins n’ont laissé aucun doute : certes les pesticides ont augmenté la productivité des entreprises, mais  ils accumulent des effets socio-environnementaux négatifs qui, tout calcul réalisé, en annule le rendement socio-économique. Survol des discussions de cette journée-débat.

Des stratégies inefficaces

En 1992, la première stratégie phytosanitaire du ministère québécois de l’Agriculture ciblait une diminution de 50% de l’usage des pesticides d’ici l’an 2000. En 2011, une seconde stratégie prévoyait une baisse de leur présence de 25% en agriculture d’ici 2021, au nom des risques connus que représentent les pesticides sur la santé humaine et animale.

En réalité, l’usage des pesticides a augmenté de 29% entre 2002 et 2014. Au point qu’en juin 2016, le Commissaire au développement durable (1) dénonçait dans son rapport l’inefficacité des stratégies adoptées et l’absence de l’application de l’écoconditionnalité lors du versement d’aides financières aux agriculteurs.

Le phytogénéticien André Comeau, retraité d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, a calculé que globalement l’utilisation du Roundup dans les champs pourrait atteindre en tonnage l’équivalent de 120 pétroliers.

L’expert en amélioration végétale estime que les organismes génétiquement modifiés (OGM) utilisent 50% du volume du Roundup, ce qui amène divers problèmes de résistance accrue de mauvaises herbes, comme l’amarante. Il en découle un usage encore plus grand de glyphosate.

« Il n’y a pas beaucoup de monde qui a compris les liens entre la génétique publique et les pesticides. Il y a un abus d’utilisation du Roundup. On n’a pas fait les recherches pour préparer les solutions de rechange », déplore le scientifique.

Responsabiliser les professionnels

Il existe pourtant bien des études qui accusent le glyphosate, l’atrazine et les néonicotinoïdes de contenir des effets perturbateurs néfastes pour la santé des humains et des plantes.

Par exemple, la Dr Nancy Swanson, auteure américaine d’une trentaine d’études reliées aux OGM, associe l’usage du glyphosate à une augmentation importante de maladies chroniques, telles que les problèmes intestinaux, de diabète et d’arthrite, voir de cancers.

« Sur le terrain, une fois leur cours complété, les agriculteurs n’ont besoin que de suivre les étiquettes d’homologation pour appliquer des pesticides. La nouvelle Loi sur les pesticides propose qu’il soit obligatoire d’avoir la signature d’un agronome pour les utiliser. C’est un énorme pas en avant, même si ça ne réglera pas tous les problèmes », estime Jean Cantin, un agronome retraité du MAPAQ.

Comme d’autres intervenants, il déplore que trop d’agronomes utilisent la vente de produits chimiques comme source de bonification de leurs revenus.

Soutenir les agriculteurs

Active avec le club-conseil Gestrie-Sol, Isabelle Martineau affirme que les agriculteurs adopteront les nouvelles recommandations s’ils ont un solide soutien technique pour relever les multiples défis de production.

« Il faudra revoir toute la chaîne d’approvisionnement, au-delà de la réglementation», poursuit-elle.

L’agronome énumère les besoins de documentation sur la dangerosité des produits, le calibrage des pulvérisateurs, l’accessibilité à des semences non enrobées et la justification que l’atrazine et les néonicotinoïdes sont essentiels à la productivité.

« La mobilisation des agriculteurs se fera s’ils obtiennent une plus-value pour leur démarche engagée. Ils pourraient vendre leurs produits plus chers, notamment », complète Isabelle Martineau.

L’agronome Claire Bolduc est d’avis que la création d’un registre  sur les applications des pesticides par les producteurs aurait un avantage certain.

« Ça permettrait de revoir les normes et de comprendre l’effet cocktail de certains produits.  Il y a des pesticides dont il faudra ensuite exiger le bannissement », argumente-t-elle.

 

Crédits Photos :La Presse et Le Devoir

 

Ce qu’on sait sur les pesticides :

Atrazine : -présent dans 98% des cours d’eau de surface;

                – agit comme un perturbateur endocrinien chez les amphibiens ;

                – change le comportement des insectes aquatiques ;

                – causerait des problèmes de croissance chez les fœtus des femmes qui vivent en milieu agricole,

Glyphosate :

-Entre 1992-2015, son usage est multiplié par 5,45 dans les cultures de maïs et soya du Québec

-Perturbateurs de la production d’oestrogènes.

-Cancérigène « probable » chez les humains.

Néonicotinoïdes :     

-néonicoti­noïdes sont utilisées pour plus de 500 000 hectares annuellement;

 -Induction de cancers du sein, de malformations congénitales ;

-Mort des pollinisateurs.   

Chlorpyrifos : 

-causerait des leucémies et des problèmes de neurodéveloppe­ment (troubles d’apprentissage,

 -problèmes comportementaux et troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention) chez les

  -agriculteurs et leurs enfants.

Selon le dernier rapport du Vérificateur général du Québec, « plusieurs pesticides (atrazine, chlorpyrifos, insecticides de la famille des néonicotinoïdes, métolachlore) ayant un indice de risque élevé sont régulièrement trouvés dans l’eau ; parfois, les concentrations sont tellement importantes qu’elles dépassent largement les critères relatifs à la qualité de l’eau, lesquels visent à protéger la vie aquatique.

Depuis 2011, la fréquence des dépassements quant aux critères de la qualité de l’eau augmente dans les rivières étudiées pour certains pesticides. En 2014, la fréquence des dépassements représentait 6,9 % pour l’atrazine, 7,7 % pour le chlorpyrifos, 99,1 % pour les néonicotinoïdes et 1,7 % pour le S-métolachlore. »

(1) Source : Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2016-2017

Pesticides en milieu agricole. Chapitre 3.

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *