Au lendemain de la Conférence internationale sur la fraude alimentaire tenue les 4 et 5 avril derniers au Château Frontenac, il est difficile de ne pas réaliser que le Québec est en retard par rapport à l’Europe en ce qui a trait à la détection, la prévention et la répression de la fraude alimentaire, ce fléau qui génère des pertes annuelles de 40 milliards $ à l’échelle mondiale et qui est en pleine croissance.
Mais le rattrapage est en cours grâce, entre autres, à des personnes comme le professeur Samuel Godefroy, de l’Université Laval, et Marc Hamilton, PDG de la firme Environex, les deux citoyens de Québec à l’origine de ce grand rendez-vous international.
Pendant deux jours, des universitaires, industriels et représentants d’agences réglementaires d’une dizaine de pays, de l’Union européenne et des Nations Unies, de même que des policiers ont cerné les contours du « crime alimentaire ». Concept nouveau ici, la répression de ce crime mobilise des ressources de plusieurs centaines de millions de dollars en Chine et en Europe. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Chine, des unités spéciales de la police ont été mises en place, des législations musclées ont été votées et des regroupements d’industriels ont entrepris de prendre le taureau par les cornes.
Le MAPAQ a brillé par son absence !
Signe que nous n’en sommes pas encore là, le Mapaq a brillé par son absence lors de cet événement international tenu à quelques kilomètres de son siège social et l’Agence canadienne d’inspection des aliments, notre principal chien de garde en matière alimentaire, a été très discrète.
C’est que, expliquent MM. Godefroy et Hamilton, les pays les plus en avance sur la fraude alimentaire sont ceux qui ont connu les plus grands scandales, comme ceux du lait maternisé contaminé à la mélamine en Chine et des mets préparés à base de viande de cheval au lieu de bœuf en Europe. Et encore là, le réveil est récent. « Une telle conférence n’aurait pas été possible il y a seulement cinq ans », souligne le professeur Godefroy.
Avec la tenue de la conférence de Québec, qui se poursuivra en Chine à l’automne prochain, le Québec fait un pas de géant en s’inscrivant dans réseau des plus grands spécialistes et des agences les plus avancées dans la compréhension et la lutte contre la fraude. Selon le professeur Godefroy, grand responsable de ce réseautage, il est essentiel que nous puissions participer à la mise en commun des expériences et des connaissances à l’échelle internationale tellement les stratégies des fraudeurs, mais aussi les méthodes de détection évoluent rapidement.
Le Québec n’est pas à l’abri de la fraude alimentaire
Le Québec n’est pas à l’abri de ce qui s’est passé ailleurs, souligne le professeur Godefroy, d’autant plus que les fraudeurs recherchent les produits à forte valeur ajoutée, tels que les produits sous appellation bio ou du terroir, domaines dans lesquels nous excellons Le miel, le sirop d’érable, les épices, les poissons et fruits de mer et même le whisky écossais ont été les cibles de fraudeurs les plus souvent citées pendant la conférence, mais de nouvelles «astuces» sont régulièrement démasquées.
L’entreprise, victime et leader
Selon M. Hamilton, à moins qu’on connaisse dans l’alimentation un scandale à la Norbourg, ce qu’il ne souhaite pas, il ne faut pas s’attendre à ce que l’impulsion vienne des gouvernements, mais de l’industrie elle-même. Les entreprises d’ici sont victimes de fraudes beaucoup plus que coupables ou complices, autant lorsqu’elles importent des ingrédients adultérés sans qu’elles le sachent que lorsqu’elles exportent des matières premières qui peuvent être trafiquées une fois rendues à destination, comme le sirop d’érable par exemple. Dans un cas comme dans l’autre, les conséquences peuvent être catastrophiques en termes monétaires comme en termes de réputation.
Pas étonnant donc que, dans l’auditoire, on ait retrouvé de nombreux représentants des grands manufacturiers et distributeurs alimentaires québécois. Avec des milliers de fournisseurs répartis à la grandeur de la planète, la standardisation des méthodes de contrôle et de certification des produits alimentaires est pour eux un enjeu majeur, d’où l’importance d’une rencontre comme celle de Québec et de notre percée dans la cour des grands où ces solutions sont en cour d’élaboration.
MM. Godefroy et Hamilton poursuivront l’effort de réseautage du Québec sur la scène internationale l’automne prochain en Chine et, parallèlement, ils se disent ouverts à l’idée d’un événement du genre à l’échelle québécoise afin de mieux répercuter ici les progrès faits ailleurs. Présent lors de la conférence, Simon Bégin, porte-parole de l’Institut Jean-Garon, leur a fait savoir que son organisme était prêt à s’associer à un tel événement.
Sur la photo : M. Marc Hamilton, PDG de la ferme Environex de Québec, et le professeur Samuel Godefroy de l’Université Laval, comptent parmi les principaux artisans de la récente conférence internationale sur la fraude alimentaire tenue au Château Frontenac