Le pot sera légal dès le 1er juillet 2018. Quoi de plus symbolique que de faire coïncider cette entrée en vigueur avec la fête du Canada, histoire que tout le monde respire une grosse puff pendant les festivités ? Le gouvernement de Justin Trudeau a beau poursuivre bien des politiques de Stephen Harper, il paraîtrait toujours différent de ce dernier par ce genre de mesure accentuant son image de jeune cool et branché. Belle façon de nous rouler, tel un gros joint. La marijuana produit un bel écran de fumée pour occulter les enjeux les plus fondamentaux. Ironiquement, les jeunes cool et branchés qui considèrent la marijuana comme une question d’importance première étaient aussi ceux qui jugeaient la laïcité comme une grande diversion. Il est vrai qu’à notre époque la cohérence est très loin d’être exigée, de façon générale.
On entend très peu les adversaires de la légalisation, comme s’il fallait être gêné de s’opposer à l’Époque avec un grand É. Un débat de société serait pourtant de mise pour une question inhérente à nos valeurs communes. Mais bon, nous n’apprécions généralement pas la « chicane » au Québec, oubliant que la démocratie signifie précisément de se diviser sur des enjeux jusqu’à ce que nous tranchions. Nous préférons le consensus, terme creux signifiant qu’il ne se passe finalement rien dans la province de Québec.
Le principe étant entendu, nous entendons plutôt parler des modalités de son entrée en vigueur. N’étant pas friand de cette légalisation, mais je souhaite néanmoins qu’elle se fasse bien, si elle a à se faire, et que les Québécois soient gagnants. La cheffe du Bloc québécois a raison de réclamer à Ottawa que les provinces puissent s’occuper de la production de marijuana. Tant mieux aussi si nos agriculteurs sont gagnants et qu’ils parviennent à tirer leur épingle du jeu avec cette nouvelle production. De nouveaux espaces de plantations ne seront pas non plus négatifs pour l’environnement… jusqu’à ce qu’on en fume les contenus.
J’ai cependant des doutes quant aux prétendues vertus économiques. Oui, le développement d’une nouvelle industrie peut être favorable à notre économie. Oui, il peut s’agir de revenus importants pour l’État. On peut cependant aisément anticiper une certaine baisse de la productivité et une hausse des coûts en santé advenant la mise sur le marché de cette drogue. On me rétorquera que cela ne change foncièrement rien, que la consommation de marijuana est déjà répandue. Sans doute.
Dans ce cas, est-il fondamental que, comme société, nous fassions constamment sauter tous les tabous ? Notre système capitaliste contemporain proclame que tout peut être permis et –surtout- être vendu. C’est le règne du live and let live menant au live and let die. Au risque de choquer, une certaine hypocrisie me semble de mise en société. Le principe du « faites ce que je dis ne faites pas ce que je fais » n’est pas à jeter complètement aux poubelles. Un père infidèle, par exemple, se doit d’enseigner tout de même l’importance de la fidélité à ses enfants. Avoir honte de certaines de nos pratiques, inévitables chez des êtres humains imparfaits par nature, est aussi un rappel que nous avons encore un idéal, que nous détenons une certaine conception de ce qu’est le bien et de ce qu’est une bonne conduite. Après le pot, où cela s’arrêtera-t-il ? Faudra-t-il légaliser l’ensemble des pratiques et lever par conséquent l’ensemble des restrictions au nom de nos caprices de consommateurs ? Vous l’aurez compris, je n’accueille pas cette légalisation avec un surplus d’enthousiasme.