La troisième rencontre préparatoire devant conduire au Sommet sur l’Alimentation s’est tenue le 25 mai dernier. En me fiant uniquement à ce que j’ai lu dans les médias, j’en retiens que, loin de rassembler le milieu agricole autour d’un projet commun, nous nous dirigeons vers la division, et, peut-être, la confrontation.
En premier lieu, deux jours avant la tenue de la rencontre, c’est la controverse avec les Producteurs de grains du Québec alors que les données publiées par le MAPAQ contredisent celles du ministère du Développement durable et de l’Environnement sur l’utilisation des pesticides. Ce n’est pas la première fois qu’au gouvernement la main gauche ignore ce que fait la main droite!
Puis, le lendemain, l’Union paysanne annonce qu’elle boycotte «afin de protester contre le vide de l’exercice» et de son incapacité d’y discuter du libre choix d’association. Enfin, le troisième signal vient de l’appel lancé au ministre Laurent Lessard par l’Institut Jean-Garon pour que ce dernier «fasse preuve de la plus grande ouverture possible afin que ces importantes discussions reflètent la multiplicité des points de vue au sein d’une agriculture québécoise de plus en plus plurielle». Un appel, me semble-t-il, qui arrive à point nommé pour un secteur économique en pleine mutation.
L’exercice projeté par le gouvernement m’apparaît essentiel, voire crucial, eu égard à tous les enjeux actuels de notre milieu agricole notamment ceux entourant l’accord commercial conclu avec l’Europe ou encore les effets collatéraux que réserve la renégociation de l’ALENA. L’exercice actuel est d’autant plus stratégique qu’il doit permettre de jeter les bases d’une politique bioalimentaire du Québec dont l’annonce se ferait au printemps 2018.
Toutefois, comme bien d’autres observateurs, je demeure peu optimiste sur l’avenir du Sommet si la différence ne pouvait se faire valoir d’ici l’automne prochain et si le ministre Lessard poursuivait dans la voie privilégiant une activité agricole axée essentiellement sur le modèle industriel. Il est vrai que ce modèle permet, pour plusieurs cultures ou élevages, de contrer ou de rivaliser avec la concurrence tant sur le marché national qu’international. Toutefois, des expériences dans plusieurs pays démontrent la nécessité de développer plusieurs types d’agriculture favorisant la culture de proximité.
À la suite de ces trois rencontres, plusieurs observateurs soutiennent, à tort ou à raison, que les fonctionnaires ont déjà écrit la Politique et que l’exercice des rencontres préparatoires n’aura été, finalement, qu’une opération de marketing politique. Appréhension plausible puisque le MAPAQ a dû divulguer sur son site Internet des coûts de 200 000 $ uniquement pour l’organisation des deux premières rencontres, et ce, à la suite d’une demande d’accès à l’information.
En mars 2016, j’invitais les associations à mettre de côté leurs velléités et à se regrouper, le plus tôt possible, autour d’une vision de développement partagée par toutes les mouvances en présence et basée sur l’ouverture de pensée, le dialogue, la diversité, la liberté, l’innovation et le développement durable. De plus, j’indiquais que ces valeurs ne pouvaient être l’apanage d’un seul groupe ou d’une seule vision.
Monsieur le ministre, le Sommet de l’automne prochain représente un temps fort pour le milieu agricole; c’est une occasion unique qu’on ne peut rater pour consolider notre agriculture et faire les ponts entre tous les types d’agriculture: industriel, biologique, urbain ou durable. Vous savez tout comme moi qu’en politique on additionne plutôt que l’on soustrait. Le Sommet sur l’alimentation devrait être le moment fort pour décliner au pluriel notre milieu agricole.