À quelques heures de l’ouverture de la première séance de négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) à Washington, l’équipe canadienne a placé la défense de la gestion de l’offre parmi ses priorités. Par contre, plusieurs observateurs doutent que les négociateurs puissent maintenir cette ligne dure très longtemps.
La ministre Chrystia Freeland présentant lundi dernier la liste des revendications canadiennes, dont la gestion de l’offre fait partie des points majeurs. Son équipe veut un accord plus progressiste où, outre la protection des valeurs canadiennes en agriculture, elle souhaite un rehaussement des normes du travail et de l’environnement pour les trois pays, de même que de nouveaux chapitres sur les droits des femmes et des autochtones et une révision des articles 11 et 19 de l’ALENA actuel, qui permettent à des entreprises étrangères de poursuivre le Canada lorsque les parlementaires adoptent des lois qui sont jugées contraignantes pour leur commerce.
Le 10 août dernier, la ministre a rencontré le comité des 13 experts canadiens pour leur présenter sa vision et recueillir leurs propositions. Marcel Groleau y aurait participé par téléphone, puisqu’il est en convalescence à la suite d’une intervention chirurgicale majeure au début du mois.
Céder du terrain
Des observateurs canadiens estiment déjà que les négociateurs devront lâcher du lest sur la gestion de l’offre, notamment pour l’entrée de plus de lait américain. Un récent sondage canadien laissait entrevoir que les Canadiens seraient disposés à céder du terrain pour en gagner sur d’autres fronts.
« Il est très clair que la préférence personnelle de Donald Trump, en tant que négociateur, consiste à avoir des discussions bilatérales – essentiellement une division et une conquête. Ce que le sondage montre, c'est que les Canadiens croient que nous aurons un meilleur résultat si nous avons une sorte de front uni avec le Mexique ", a déclaré un porte-parole de la firme de sondage Nanos qui a mené cette enquête.
D’autres lobbyistes canadiens, comme Martin Rice, directeur exécutif par intérim de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire (CAFTA en anglais), souhaite que le Canada fasse d’abord tout pour préserver les acquis obtenus avec le Partenariat TransPacifique, tout en renégociant l’ALENA, afin d’élargir les marchés d’exportation canadiens. On se souviendra qu’en termes d’agriculture, le PTT a cédé plusieurs pourcentages aux importations sur une période de 20 ans.
«Je pense que l'ALENA a été une préoccupation majeure pour le Canada, mais en même temps, les bénéfices du PPT pour le Canada sont peut-être plus importants qu'une nouvelle entente avec les États-Unis », a-t-il mentionné sur les ondes de la radio Real Agriculture.
Le Mexique inquiet
Du côté mexicain, les agriculteurs sont très inquiets des négociations. Quelque 5000 agriculteurs mexicains ont manifesté la semaine dernière à Mexico pour demander la sortie pure et simple de la zone de libre-échange, considérant que l’agriculture paysanne et régionale mexicaine a énormément souffert du dumping américain.
«Le Mexique est probablement dans la position la plus faible», du fait de sa dépendance économique à ALENA, «mais il a des atouts et dispose de négociateurs extrêmement expérimentés présents dans de nombreux accords commerciaux», observe Edward Alden, membre du Peterson Institute for International Economics.
Une analyse présentée par le Peterson Institute for International Economics indique que « l'agriculture représentait environ 7 % du commerce des États-Unis avec le Canada et 8% avec le Mexique. Pour certains produits cependant, les parts sont beaucoup plus élevées: le Mexique a reçu 28 % de la récolte de maïs aux États-Unis, et le Canada et le Mexique représentent près d'un tiers des exportations américaines de boeuf.»
Le solde commercial des États-Unis avec le Mexique est passé d'un excédent de 1,6 milliard $ à la veille de l'ALENA en 1994 à un déficit supérieur à 64 milliards $ en 2016, selon les chiffres officiels américains, rapporte l’Agence France-Presse.