Dans l’une de mes chroniques de 2016, j’avais exprimé le souhait que les trois associations agricoles mettent de côté leurs velléités et se regroupent, le plus tôt possible, autour d’une vision de développement partagée par toutes les mouvances et basée sur l’ouverture, le dialogue, la diversité, la liberté, l’innovation et le développement durable. À maintes occasions, je les ai mises en garde pour que ces valeurs ne soient l’apanage d’un seul groupe et ne fassent la promotion que d’une seule conception de développement.
De plus, en juin dernier, j’invitais le ministre Laurent Lessard à faire en sorte que le Sommet représente un temps fort pour notre société et pour le milieu agricole. Plus particulièrement, je lui soulignais, comme d’autres l’ont fait à leur manière, que le Sommet doit constituer une occasion unique pour consolider notre agriculture et faire les ponts entre tous les types d’agriculture : industriel, biologique, urbain ou durable. Plus que jamais, la tenue du Sommet me semble propice pour décliner au pluriel notre mode de production en agriculture.
La position européenne sur l’utilisation du glyphosate (roundup) est un bel exemple du phénomène mondial sur les réflexions en cours. En effet, ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que nous vivons, tant au Québec qu’ailleurs, un virage notoire sur le modèle de production. En Europe, mais également ici s’affrontent deux visions : d’une part, une première basée sur l’utilisation de la chimie pour augmenter la productivité et le rendement agricole et, d’autre part, une deuxième faisant appel à la technologie et à l’écologie dans une perspective de développement durable.
Légitimer les regroupements qui représentent les nouvelles tendances
La situation me semble comparable au phénomène d’uberisation et d’économie collaborative survenue dans l’économie de services. Pour cette raison, je partage l’opinion de plusieurs que le milieu agricole est à l’aube de connaître un véritable bouleversement. À l’heure où le modèle basé essentiellement sur le rendement s’effrite, on est en droit de demander à toutes les parties prenantes (unions, gouvernement, associations de consommateurs, etc.) de revoir, dans le cadre du Sommet, leur position, de faire preuve d’ouverture et d’écoute, et enfin, d’appuyer l’existence de différents modèles de production et des regroupements qui les défendent. À terme, il m’apparaît impensable que le gouvernement québécois et son appareil bureaucratique maintiennent leur position à l’égard des deux autres unions agricoles et des modèles d’agriculture proposés. Pourquoi n’est-il pas possible au Québec de permettre la coexistence de ces différentes visions de développement agricole, notamment en légitimant les regroupements qui représentent ces nouvelles tendances en matière de production?
Les unions, rôle social d’agent de changement
Comme le disait si bien Yvon Deschamps, «les unions qu’ossa ça donne?»
Au départ, je veux rassurer tout le monde étant convaincu de leur bien-fondé et de leur utilité dans des situations cruciales comme la défense des intérêts québécois et de la gestion de l’offre face aux revendications américaines. Face à l’adversité, parler d’une seule voix, haut et fort, est la seule stratégie à adopter.
Mais les unions ont également, à mon avis, un rôle social plus large à assumer comme agent de changement. À ce titre, elles doivent, à l’occasion d’une rencontre réunissant l’ensemble des partenaires, susciter, ou du moins, permettre l’éclosion de nouveaux modèles notamment de production et appuyer, de tout leur poids, les personnes ou les groupes qui les mettent de l’avant.
À nouveau, je persiste et signe: l'agriculture au pluriel a bien meilleur goût !