La politique d’installation des jeunes agriculteurs est, en France (la Relève pour le Québec !) est une des plus anciennes politiques sectorielles. Elle vise à assurer le renouvellement des générations et c’est un secteur politiquement porteur qui mobilise des fonds européens, nationaux et des collectivités régionales ou départementales. Rares sont les discours politiques qui n’y font pas référence. Le syndicalisme majoritaire a un syndicat «Jeunes Agriculteurs » à part entière, dynamique et autonome par rapport à « la grande maison » la FNSEA. Il en est de même dans chaque département comme au niveau européen. Cette politique s’appuie sur plusieurs piliers:
Privilégier l’installation d’un jeune plutôt que l’agrandissement
De nombreuses actions incitatives ou coercitives visent à privilégier la reprise par des jeunes des exploitations viables plutôt que l’agrandissement des exploitations en place. Dans chaque département (il y en a 90 en France soit 5000 exploitations en moyennes par département) des dispositifs politico-administratifs, « les répertoires départ-installation » et « point d’info installation » visent à repérer les exploitants qui vont prendre leur retraite et les inciter à mettre leur exploitation sur un registre public des cessions à venir, les candidats à l’installation sont de leurs côtés incités à se faire connaître. Ces dispositifs sont gérés par les chambres d’agriculture, disposent de conseillers spécialisés et bénéficient de financements des collectivités territoriales.
En France la location des terres n’est libre, ni pour le propriétaire qui veut mettre à bail ni pour l’agriculteur qui veut louer ! Une commission administrative placée sous l’autorité de l’État (le préfet de département) et comprenant des représentants des différents syndicats agricoles arbitre entre les différents candidats à la reprise de parcelles, il fait toujours en sorte de favoriser l’installation d’un jeune. De même en cas de vente (toutes les ventes doivent être publiées) un établissement public, la SAFER, peut préempter une parcelle et la réattribuer à un jeune.
Faciliter l’installation de jeunes agriculteurs
Il existe un dispositif réglementaire d’accompagnement « officiel » des jeunes agriculteurs. Il définit des priorités pour les agriculteurs qui bénéficieront des soutiens publics (moins de 35 ans, revenu minimal dégagé, capacité professionnelle requise…) Plusieurs dispositifs financiers existent pour aider les jeunes agriculteurs. L’État avec des fonds provenant de la politique agricole européenne intervenait de deux manières : une dotation dite DJA (dotation jeune agriculteur) est attribuée aux jeunes rentrant dans le dispositif officiel. D’un montant moyen de 20 000 euros elle est attribuée par une commission départementale avec une modulation en fonction de critères locaux (zone de handicap naturel, zone de montagne…) ou propres au projet (création d’emploi, diversification, agroécologie…). Cette dotation de trésorerie est versée en deux fois :au départ et à la troisième année en fonction du respect du plan d’affaires déposé. Cette dotation a été majorée en 2017 quand a été supprimé l’autre dispositif public que constituait la prise en charge d’une partie des intérêts des prêts bancaires finançant la reprise. Ces prêts bonifiés ne présentaient plus d’avantage vu le niveau des taux de marché financier. En complément de ce dispositif officiel, il existe des aides publiques accordées par les collectivités locales (région et département). Certaines organisations économiques comme les coopératives accordent également des conditions privilégiées aux jeunes en début de carrière. Certaines vont même jusqu’à participer au financement des investissements.
Enfin pendant les premières années de leur installation les jeunes agriculteurs bénéficient d’avantages publics : minoration de l’impôt foncier si les collectivités locales le votent, majoration (assez symbolique) de l’aide PAC à l’hectare, majoration ou priorité d’attribution de certaines aides publiques à l’investissement comme pour les bâtiments d’élevage.
Favoriser des reprises économiquement viables
La politique publique se donne un droit de regard sur la qualité des projets. Ceux-ci doivent faire l’objet d’un plan prévisionnel élaboré avec un conseiller agréé par l’administration. Ce plan est ensuite validé par une commission administrative comprenant des responsables agricoles. De plus le candidat à la reprise doit posséder un capacité professionnelle minimum sanctionnée par un diplôme et le cas échéant suivre un programme complémentaire de formation. Dans certains départements un dispositif public de conseil d’accompagnement pendant trois ans est proposé aux jeunes. Ce conseil est fortement subventionné. Par ailleurs de nombreux conseillers des centres de gestion accompagnent en conseil, mais à un prix de marché.
Les résultats de cette politique
Cette politique ancienne mobilise des moyens financiers et humains importants. Pour quels résultats ? Il y a chaque année environ 13 000 nouveaux agriculteurs en France ces dernières années. Soit un taux de renouvellement de 2,7% du nombre total des exploitations. Environ un tiers des agriculteurs partant à la retraite sont remplacés par un nouvel agriculteur. Parmi les 13 000 nouveaux agriculteurs, quasiment 5000, soit un peu moins de la moitié, ont bénéficié du dispositif public d’accompagnement. Les autres ont préféré reprendre sans accompagnement. C’est parfois un choix au vu d’un dispositif considéré comme trop complexe, c’est souvent, car ils ne pouvaient pas y prétendre ne répondant pas aux critères requis (âge, taille trop grande ou au contraire trop petite, pas de diplôme agricole …). On a souvent coutume de dire que ceux qui ne rentrent pas dans le dispositif officiel sont des projets soit « haut de gamme » avec des tailles ou des revenus trop importants soit « bas de gamme » avec des porteurs de projets manquant de professionnalisme.
40% des reprises par des femmes et 30% des personnes, pas d’origine agricole !
Parmi les reprises environ la moitié se font sous forme individuelle et la moitié dans le cadre d’une société par création ou cession de parts. Les femmes représentent aujourd’hui 40% des reprises et 30 % des personnes reprenant une ferme ne sont pas d’origine agricole. Ces deux pourcentages sont en augmentation régulière. Les deux tiers des porteurs de projet ont moins de quarante ans. Les échecs parmi les projets ayant fait l’objet du dispositif public sont rares.
La politique d’installation en France est une politique sectorielle ancienne, dotée de moyens importants tant humains, que financiers, mais aussi législatifs et réglementaires. C’est depuis longtemps une politique assez sensible, car les Français sont globalement attachés à une agriculture constituée de fermes familiales qui à l’échelle mondiale sont techniquement efficaces, mais de petite taille ( 55 ha en moyenne) et dégagent un revenu net par actif de 15 à 20 000 euros ( 22 à 30 000 dollars canadiens) en moyenne.