Avec la chute du prix du lait, les dirigeants devront travailler fort pour regagner la confiance des producteurs. Bombardé de questions par une centaine de producteurs de lait de la Beauce, de l’Estrie, de la Montérégie et des Laurentides, Bruno Letendre a eu fort à faire pour les rassurer. En vain, ont jugé plusieurs producteurs laitiers débarqués à la Maison de l’UPA mercredi pour obtenir plus de transparence de la part de leurs dirigeants sur les causes réelles de la chute du prix du lait payé à la ferme. Certains producteurs évoquent déjà la fin de la gestion de l’offre orchestrée par le gouvernement Trudeau et les multinationales.
Et les nouvelles ne sont pas encourageantes. Questionné à savoir s’il pouvait fournir une idée du prix du lait qui sera payé dans les prochains mois, le président Letendre a louvoyé pour finalement lancer : « le prix va être décevant. J’espère qu’il montera, sinon il va baisser. C’est le résultat des ventes », a-t-il dit. Ce qui a relancé l’insatisfaction des agriculteurs présents, dont beaucoup de jeunes, qui avaient répondu à l’appel à la manifestation lancé par Mario Vincent.
Talonné à savoir s’il est exact que 4 millions de litres de lait/semaine ont été produits en surplus en mars, il a reconnu qu’en avril cette surproduction oscillait autour de 1,7 million de litres/semaine, entraînant des pénalités imposantes qui se sont élevées à 70 cents/hectolitre.
Changer d’équipe de négociations
Faudrait-il changer d’équipe de négociations puisque son travail ne produit aucun résultat positif pour les producteurs laitiers? « Ou bien le dg ne fait pas son travail ou bien il ne reçoit pas les bons mandats », a commenté un jeune producteur de Mirabel.
Sans cesse, des agriculteurs relançaient la question, jugeant que l’équipe actuelle a fait son temps et n’a pas les compétences pour anticiper les ventes de lait, négocier avec les experts ontariens et les multinationales de la transformation. Plusieurs suggèrent qu’avec l’argent qui leur est prélevé, les PLQ devrait embaucher un « vrai négociateur qui sait compter ».
« Vous êtes dépassés, vous n’êtes pas assez bien entourés, vous n’êtes pas ajustés à ce qui se passe. Ça vous prend un négociateur externe de haut calibre », a renchéri Claude Saint-Denis, de Montérégie est.
Ce qui a eu lieu de faire bondir Bruno Letendre. « N’essayez pas la théorie du complot, ça ne marche pas. On a la meilleure équipe qui soit, je sens que je suis très bien entouré (…) Dans ce dossier, il y a de la technique et de la politique », a-t-il poursuivi.
Pourtant, d’entrée de jeu, Bruno Letendre a déclaré que la Commission canadienne du lait n’a pas encore réagi à la lettre lui demandant d’examiner d’ici le 1er août prochain la nécessité de réviser les prix des classes de lait, en se basant sur la clause des circonstances exceptionnelles de l’entente nationale producteurs/transformateurs.
Il a avoué que la copie conforme de cette lettre, envoyée aux autres partenaires du regroupement P5, n’a pas suscité d’appui. Ni l’Ontario ni les provinces des Maritimes n’ont fait front commun derrière la demande du Québec.
Plus tard, en entrevue avec LVATV, le président Letendre a expliqué ce fait par la volonté des fermiers ontariens de produire du volume de lait, afin de répondre aux besoins d’approvisionnement des deux grandes entreprises étrangères qui construisent des usines de transformation dans leur province. Et il considère que les provinces maritimes ont de petites organisations peu structurées, lentes à réagir.
Un système complexe, mais inchangeable
Plusieurs producteurs laitiers ont partagé à La Vie agricole et LVATV leur volonté de voir une simplification du système d’attribution des prix du lait sous gestion de l’offre au Canada.
Le président des Producteurs de lait du Canada (PLC), Pierre Lampron, également président régional en Mauricie, ne voit pas comment cette modification pourrait avoir lieu : « On ne peut pas simplifier ce système qui est plus complexe. Il est impossible de revenir à deux classes de lait, l’industriel et de consommation. Les fermes sont plus grosses, on regarde à répondre aux marchés. À ce jour, je suis satisfait du travail du P5 », a-t-il lancé à un jeune producteur, tout en reconnaissant qu’il entre encore des protéines concentrées au Canada.
Pressé d’arguments par les agriculteurs qui l’entouraient, Pierre Lampron a ajouté que la question sera à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration des PLC dans deux semaines, mais que c’est la CCL qui aura le dernier mot.
À entendre Bruno Letendre et les arguments chiffrés soumis en explications lors du webinaire du 18 mai dernier, la majorité des producteurs de lait estime massivement que les dirigeants préfèrent conserver le statu quo.
Du lait régional quand Trudeau aura fait tomber la gestion de l’offre!
Pour sa part, le jeune producteur laitier Michaël Sarrazin de Vaudreuil-Soulanges est totalement en désaccord avec cette stagnation qui les appauvrit. Comme d’autres, il analyse que la situation actuelle de la chute des prix du lait est le résultat d’une stratégie politique, finement ficelée par le gouvernement Trudeau et des multinationales de la transformation, en faveur de décourager le soutien à la gestion de l’offre de la part même des agriculteurs. Et dont les dirigeants de leur fédération se font complices.
Il croit que la fin de la GO serait catastrophique pour des milliers de producteurs, mais pourrait ouvrir la porte à des regroupements régionaux et à la création de coopératives qui offriraient du lait et des produits transformés directement aux consommateurs. : « La demande est là. On le voit avec les producteurs maraîchers bio, la population des marchés publics et des produits locaux. Les gens veulent du lait de qualité, ils ne veulent pas de fermes à 1000 vaches. Ils veulent voir des vaches dehors. Puis moi, ce sont mes valeurs, c’est dans ce monde-là que je veux élever mes enfants », a-t-il argumenté.