Le Canada négocie en culottes courtes

Au début de 2016, notre Premier Ministre manifestait publiquement son enthousiasme pour renégocier l’ALENA avec Trump, ce qui a surpris tout le monde.  Nous ne savions pas ce qu’il avait en tête, mais il était raisonnable de penser qu’il avait un plan de jeu même s’il semblait se diriger dans la gueule du loup.

Au moment d’entamer les négociations les objectifs des deux pays devenaient publiques.

Les américains demandaient de mettre fin à la gestion de l’offre (GO), fin à la protection des industries culturelles et de remplacer des arbitrages internationaux indépendants par des décisions unilatérales américaines. Ils voulaient rapatrier la construction d’automobiles chez eux, empêcher les canadiens de soumissionner auprès des contrats des villes et états américains, maintenir le « Buy American », limiter la vente de parties d’automobiles, etc. Le tout, sans compter les demandes non-obtenues lors des négociations originales de 1994.

Face à la centaine de demandes économiques des américains, les canadiens eux, ont priorisé des mesures sociales. Parmi les demandes officielles, cinq étaient sociales, soit un nouveau chapitre sur les normes de travail, un sur l’environnement, un sur l’égalité des sexes, un sur les autochtones et une libre circulation des professionnels. Trois autres mesures canadiennes étaient défensives, c’est-à-dire, de dire non au chapitre 19, de conserver l’exception culturelle et conserver la gestion de l’offre. La  seule demande du Canada qui pourrait être considérée comme économique était de mettre fin au « Buy American ».

Le Canada aurait pu proposer ces mesures sociales dans d’autres forums et avec un meilleur sens du timing puisque les Républicains dominés par le Tea Party, un groupe d’ultra conservateurs de quoi faire passer Gengis Khan pour un gauchiste, ne portent pas les mesures sociales dans leur ADN. Il aurait pu demander des changements de nature économique pour mettre un peu de substance dans sa maigre position.

Aujourd’hui, comme résultat, on assiste à des concessions nombreuses et importantes du Canada y compris dans la gestion de l’offre. On cherche encore les gains du Canada. Nos élus ne peuvent en nommer un, sauf de dire qu’ils ont sauvé l’entente. En tant que le plus gros acheteur mondial de produits américains, il est difficile de croire que nous n’ayons pas eu plus de pouvoir en négociation et que l’entente était si à risque. Le Canada se vantait pourtant d’être passé maître dans l’art de faire du lobbying auprès des élus Américains. Avec les tarifs américains sur l’aluminium et sur l’acier encore en vigueur, le Canada fait figure de pugiliste amateur techniquement KO mais qui se vante d’être resté debout jusqu’à la fin.

Sommes-nous en pire situation qu’avant cette entente? Assurément! Quand on ne demande rien en négociation, on risque d’obtenir ce qu’on a demandé. La gestion de l’offre (GO)  a encore fait les frais de cette négociation. Ce gouvernement qui a divisé par 16 les engagements du CETA de Harper, les a offerts à ceux qui n’étaient pas visés par le CETA, qui a généreusement donné des contingents d’importations de fromage aux grands distributeurs et qui a refusé de modifier un détail de son règlement pour permettre aux petits exploitants de gérer en groupe ces contingents doit certainement avoir secrètement la GO en horreur. La priorité canadienne pour 2018 était le pot, le reste n’est que boucane.

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