En 1960 il n’y avait des vaches partout dans les champs et des truites dans le moindre ruisseau. On ne voit plus que des tracteurs dans la plaine du St-Laurent, transformée en monoculture, et on trouve une trentaine de pesticides,très toxiques pour la vie aquatique, dans les rivières Yamaska, Mascouche, l’Acadie et 1600 fois la limite de chlorpyrophos dans un ruisseau d’Oka.
La présence de plus en plus grande de pesticides dans l’eau, les puits, et nos aliments n’est qu’une des conséquences négatives de la politique agricole des soixante dernières années qui encourage la spécialisation et l’exportation. En 1960 toutes les fermes étaient bio, n’achetaient ni pesticides, ni engrais chimiques, ni aliments pour le bétail. Toutes élevaient, chevaux, vaches, porcs, volailles. On labourait moins de 20% du sol, ce qui lui donnait le temps de récupérer. Aujourd’hui le sol des céréaliculteurs et la plus grande partie, parfois, tout le sol des fermes d’élevage est travaillé chaque année parce que les animaux ne vont plus au pâturage.
De plus, même les éleveurs qui possèdent du sol, achètent des aliments et gardent plus d’animaux que leur sol peut nourrir. Dans le cas des sociétés, tous leurs aliments proviennent d’autres fermes et d’autres régions. Une partie plus grande à chaque année du lait des œufs, de la viande est produite grâce à des d’aliments provenant d’autres fermes et régions de plus en plus éloignées.
Ces pratiques polluent les sols et les régions où se concentre l’élevage (Bretagne en France, Beauce au Québec), et, ce qui est pire, appauvrissent les sols qui produisent les aliments pour le bétail. Les sols du Québec ont perdu 1.5 % de matière organique en 20 ans passant de 6.5 à 5 % pendant que le pâturage de la ferme Brylee en ajoutait pour atteindre 14%. On a réalisé récemment qu’on pourrait retourner dans le sol une partie importante du CO2 en excès grâce aux prairies: initiative 4 pour 1000.
Le renvoi de Louis Robert, même combat que Chopra, Lambert, Haydon en 2004
On a remplacé les fermes qui transformaient sur place l’herbe et les céréales par des monocultures et des élevages hors-sol.
La nouvelle politique bio alimentaire annoncée par Ottawa et Québec, mise encore sur l’exportation, ce qui veut dire des fermes et des élevages plus gros, plus de pesticides, d’engrais, d’OGM. Nos parlementaires d’Ottawa viennent d’ailleurs dans ce but, d’autoriser le glyphosate pour 15 ans même si on sait que Monsanto a menti à propos des dangers du Round-up et des OGM et qu’elle a payé des scientifiques pour mentir et persécuté ceux qui critiquent ses produits avec l’aide des mêmes gouvernants qui en 2004 ont renvoyé trois scientifiques vétérinaires, Chopra, Lambert, Haydon, pour avoir refusé d’homologuer l’hormone de croissance OGM pour les vaches laitières.
Une des raisons était d’éviter à ces animaux l’augmentation importante des problèmes de santé que subissent les animaux injectés avec la BST. Au Québec, le lobby agrochimique vient de faire congédier l’agronome Louis Robert qui a dénoncé son influence sur la recherche sur les pesticides.
Concentration sur 15 % des fermes
Ottawa subventionne la production et le transport de céréales depuis plus de cent ans dans la prairie canadienne qui y a perdu une grande partie de sa matière organique. Dans certains cas on est passé de 30% à 5% de matière organique. De grandes parcelles en sont dépourvues. C’est la disponibilité de ces céréales bon marché qui a initié l’élevage hors-sol. Au début ce sont les agriculteurs qui ont acheté ces céréales afin de garder plus d’animaux, ce qui ne causait pas trop de problèmes parce que les animaux étaient répartis sur tout le territoire.
Puis les meuniers, céréalières, gens d’affaires, coopératives (qui compétitionnent leurs propres membres comme la Fédérée qui élève ses porcelets au Témiscamingue ) se sont mis a faire de l’élevage à leur tour (même Costco vient de s’y lancer). Cette surproduction a provoqué une diminution artificielle des prix et forcé a l’abandon les petits agriculteurs et concentré les animaux sur environ 15% des fermes. En Roumanie, trois ans après l’arrivée de Smithfields, la plus grande multinationale de l’élevage, dont la Caisse de dépôt fut actionnaire, rachetée par la Chine, 45 des 50 mille éleveurs de porcs ont abandonné.
Communisme et capitalisme mènent aux mêmes excès!
Les experts étant les mêmes, communisme et capitalisme mènent aux mêmes excès. Parc d’engraissement américain de 100,000 bouvillons, ferme laitière sino-russe de 100,000 vaches, ferme Roumaine de 300,000 porcs nourris avec des aliments transportés sur des milliers de kilomètres auxquels s’ajoutent les milliers de kilomètres parcourus par nos propres aliments.
La presque totalité des meilleurs sols québécois, même ceux des régions nordiques comme le lac St-Jean, est en monoculture et reçoit chaque année pesticides et engrais minéraux. Sans le support de l’État, la monoculture était une opération trop risquée. De mauvais prix ou une mauvaise récolte et c’était la banqueroute. C’est pourquoi toutes les fermes gardaient des animaux dont les fumiers fournissaient un engrais plus complet et moins acidifiant et polluant que les engrais chimiques dont seulement une partie est utilisée par les plantes. Le reste s’accumule et pollue l’atmosphère le sol, le roc, les nappes phréatiques, les milieux humides, les cours d’eau jusqu’aux océans: golfe du Mexique, de Bretagne, etc. (the nitrogen time bomb ). Le bassin de la Yamaska a accumulé tellement de phosphore qu’il faudra mille ans pour le résorber.
Prêt agricole et ASRA, responsables de la monoculture
Le prêt agricole, les assurances stabilisation et récolte ont lancé la monoculture: dès qu’un agriculteur possède suffisamment de terre, il vend ses animaux et se contente de faire des céréales ce qui ne prend que quelques semaines de travail par an. Résultat, ces fermes produisent moins de revenus à l’hectare ( quelques milliers de dollars) qu’un élevage et vingt fois moins que certains jardiniers qui obtiennent 150 mille dollars sur un seul hectare. On a découragé la seconde transformation. La plus-value de l’élevage est accaparée par les fermes d’élevage qui appartiennent de plus en plus à des corporations. Les céréaliculteurs n’ayant qu’une production, ils ne peuvent prendre le risque de tout perdre, d’où l’utilisation souvent préventive de pesticides, alors que les fermes mixtes pouvaient se rattraper avec l’élevage si les céréales rendaient moins. Idem pour les antibiotiques et hormones en élevage.
Le Québec, un bon exemple de l’absurdité du commerce subventionné!
Le plus absurde c’est que presque toutes les céréales produites au Québec sont destinées à l’alimentation des animaux qui, dans le cas des ruminants, pourraient être nourris majoritairement d’herbe, comme on le faisait jusqu’aux années 70, sans avoir à bouleverser le sol à chaque année. Le Québec est un bon exemple de l’absurdité du commerce subventionné.
Le Québec, au lieu de produire les 800 millions de viandes bovines qu’il importe de l’Ouest (ce qui remettrait en production toutes les fermes abandonnées), cultive des céréales qu’on transporte sur les fermes de porcs qui eux sont exportés jusqu’en Chine.
Les experts qui ont planifié (sans les prévenir) l’élimination des petits agriculteurs ici comme ailleurs n’ont pas prévu les conséquences dénoncées par des agriculteurs, vétérinaires, spécialistes des sols ( Laverdière ) il y a 40 ans: appauvrissement des sols, pollution chimique et organique du sol, de l’air, de l’eau, dégagement d’azote et de CO2, concentration de la propriété, confinement non éthique des animaux, abandon et négligence des boisés privés et des fermes des régions périphériques, aliments débalancés, contenant pesticides, OGM, hormones, antibiotiques.
Le modèle actuel n’est pas viable : ramener l’humain des décisions au centre au lieu des corporations
Le modèle actuel n’est pas viable que ce soit du point de vue écologique, parce qu’il est anti-biodiversité, du bien-être des animaux parce qu’ils ne peuvent plus exprimer leurs besoins naturels, ni même économiques puisqu’il repose sur d’innombrables subventions.
Il faut ramener les animaux sur le sol qui les nourrit en limitant le nombre d’animaux par hectare à ce que le sol peut supporter sans abuser des engrais chimiques et organiques, c’est à dire sans qu’ils ne se déversent dans l’environnement. De plus il faut aussi viser à produire des aliments plus naturels de façon plus durable, notamment le lait et la viande avec de l’herbe, sans pesticides et OGM, dont les gens ne veulent pas, dans des fermes suffisamment petites pour que les animaux retrouvent l’accès à l’extérieur et qu’elles puissent être rachetées par des individus si on ne veut pas qu’elles soient reprises par des corporations.
Dominique Bhérer, médecin vétérinaire – Maniwaki