Après l’ALENA c’est au tour de la Chine, on peut dire que nos exportateurs et nos gouvernements ont été malmenés au cours de la dernière année. La fermeture de la frontière chinoise à certains produits agricoles canadiens (canola, porc et bœuf) montre à quel point un marché d’exportation peut être fragile. Cet épisode montre aussi que notre intégration au marché nord-américain rend plus compliquées nos relations commerciales avec le reste du monde. Le cas de la ractopamine en est un excellent exemple.
La ractopamine est un médicament qui est utilisé comme additif bêta agoniste aux animaux élevés pour leur viande afin d’obtenir de la viande plus maigre et plus protéinée. Au Canada et aux États-Unis, elle est autorisée dans l’élevage du porc, du bœuf et de la dinde. Elle est cependant interdite dans près de 160 pays dans le monde, dont l’Union européenne, la Chine et la Russie.
Pourquoi le Canada comme pays exportateur n’a pas fait le choix d’interdire la ractopamine dans ses élevages ? Tout simplement parce que les États-Unis en permettent l’utilisation et que des raisons commerciales ne sont pas suffisantes pour interdire un additif. De plus l’industrie du bœuf est nord-américaine, elle est intégrée à celle des États-Unis. Ne pas permettre la ractopamine serait assez compliqué et compte tenu de l’efficacité du produit, les producteurs de bœuf sans ractopamine auraient de la difficulté à compétitionner leurs collègues américains. Pour le producteur de bœuf le choix est simple, on maintient les acquis, on reste avec les États-Unis et on oublie les autres marchés, un vaut mieux que deux tu l’auras !
Pour les producteurs de porc, c’est un peu plus compliqué, leur intégration et leur dépendance au marché américain sont moindres que dans le bœuf, ils ont besoin des marchés d’exportation. Pour pouvoir exporter, l’industrie et les éleveurs se sont dotés d’un programme « sans ractopamine », ce programme autorisé par l’agence d’inspection des aliments est un programme assez contraignant qui gère l’absence de médicament dans la viande, ainsi que les contaminations croisées dans l’ensemble de la chaine. Ce programme fait pour l’export est plus contraignant que les programmes de contrôle des médicaments que l’on a pour notre propre population, une aberration!
Interdire la ractopamine, ramènerait le vieux débat de l’est contre l’ouest
Ce programme a cependant ses limites, la moindre raison politique et le pays importateur ferment la frontière prétextant la découverte de ractopamine dans la viande puisque le produit est officiellement permis au Canada. C’est ce que la Russie a fait, c’est ce que la chine fait aujourd’hui, même si ces états ne sont pas des plus exemplaires à faire respecter leurs propres lois sur leur territoire. Pour Anne de Loisy, journaliste et auteure de l'enquête "Bon appétit !" (éditions Presses de la Cité), la position de certains de ces États est critiquable: « La Chine a interdit la substance et se montre très sévère à l'égard des exportations américaines, mais, dans le même temps, il y a régulièrement des scandales qui impliquent des vétérinaires que les élevages soudoient pour maquiller l'usage de ractopamine.»
Pour la dinde, la permission d’utiliser le médicament est un peu bizarre, étant donné que la production de dinde est sous gestion de l’offre, donc on n’importe pas et on n’exporte pas.
En conclusion, interdire la ractopamine au Canada ça aiderait les exportations de porc, mais cela serait mauvais pour la production bovine. C’est l’est contre l’ouest, un vieux débat. Pour l’instant cela donne de bonnes excuses aux Chinois pour mettre de la pression.