Des sources sur le terrain s’interrogent dans le secteur laitier. D’un côté des producteurs laitiers postent des vidéos sur Twitter pour montrer qu’ils jettent du lait et déplorent de ne pas pouvoir le donner à des associations dans le besoin, d’un autre côté certains s’interrogent sur l’idée de subventions aux laiteries pour les aider à transformer les surplus de protéines laitières. Et tout cela dans un contexte où le Canada devient le premier exportateur de croissants. Quand on sait qu’un croissant contient 27% de beurre, il est clair que des surplus de protéines laitières on n’a pas fini d’en avoir!
La fédération confirme l’idée du 0,35 cent l’hectolitre
«Il y a une proposition qui est soumise à la consultation dans les tournées de secteur, puis dans les assemblées régionales, sur la création d’un Fonds de gestion des surplus de lait et de crème. Cette proposition devrait être discutée en assemblée générale annuelle en avril prochain. L’objectif de ce fonds serait d’améliorer le revenu des producteurs par la valorisation du lait et ses dérivés (SNG) en surplus», nous a écrit François Dumontier, directeur Communications, affaires publiques et vie syndicale de la fédération des producteurs de lait du Québec.
«Plus on fait de beurre, plus on augmente le problème!»- Stéphane Michaud
En entrevue Stéphane Michaud, conseiller en nutrition animale nous a déclaré : « La protéine laitière est de plus en plus un problème qu’on se fait dire, et la gestion de l’offre en partant est pour répondre aux besoins de consommation interne et on s’est toujours fait dire par la Fédération des producteurs de lait que la classe de lait pour faire du beurre est celle qui se vend le moins cher, mais on veut pas faire d’ajustement à ce niveau-là parce qu’on veut continuer à occuper le marché local et parce qu’on veut que les gens ne transforment pas leur consommation comme, par exemple, par la margarine ou des produits alternatifs. Par contre quand on est rendu à exporter, on est rendu un peu loin à vouloir combler le marché local tout en se rappelant que plus on fait de beurre, plus on augmente le problème de protéines laitières en surplus.»
Il s’étonne ensuite que si à travers les ententes internationales on ne peut plus envoyer de protéines laitières, il serait illogique d’envoyer aussi du beurre.
Simon Bégin, porte-parole de l’Institut Jean-Garon s’emporte lui en déclarant : « Sur la scène mondiale, il y a une crise alimentaire qui nous pointe au bout du nez. La guerre en Ukraine a généré de grandes inquiétudes à l’accès à la protéine pour se nourrir. Ici on a une ressource : c’est de la protéine, certes animale, mais c’est de la protéine. Et on est comme interdit de régler ces problèmes-là à l’échelle mondiale.»
L’hypocirisie du système!
Pour Sylvain Charlebois appelé a commenté cette entrevue, il note que ce mot qui revient c’est l’hypocrisie : « On n’est jamais honnêtes avec nous-mêmes. On est devenu le plus gros exportateur de croissants. On est numéro 1 au monde, on vient de démontrer à nous-mêmes qu’on peut jouer. On peut exporter de la bonne qualité, on produit du bon lait, du bon gras au Canada, mais on s’est toujours limité, ce que j’ai toujours trouvé dommage avec la gestion de l’offre (…) La CCL n’est pas programmée pour penser pour le consommateur au Canada. (…) Si on décide justement de développer les marchés à l’exportation, il faut réformer la CCL.», dit-il.
Luc Boivin commente quant à lui que l’exportation de croissants est majeure représentant 2,7 milliards de dollars US (…), mais dit-il, « si on alimente le marché mondial en solide non gras, on va encore plus déséquilibré le système et comme industrie il faut se poser la question, qui doit payer pour ça?»
Trouver la solution!
Michel Saint-Pierre, coprésident de l’Institut Jean-Garon a précisé : « Première chose que Sylvain m’ a faite remarqué, et je suis d’accord avec lui, on a une relation un peu difficile avec tout ce qu’on exporte en agroalimentaire, je ne sais pas ce qui a amené ça, peut-être le fait que la gestion de l’offre c’est l’autarcie dans certains domaines.(…) L’exportation ce n’est pas un mal dans une économie bien au contraire. On ne peut pas se limiter à l’exportation parce que ça crée des surplus de protéines. Il faut trouver la solution.»
Sur la photo, Luc Boivin, transformateur laitier et Stephane Michaud, conseiller lors de la mission Institut Jean-Garon en France en octobre dernier.