Le gouvernement Trudeau a décidé, sans consultation, de suspendre temporairement la TPS du 14 décembre 2024 au 15 février 2025. Même si cette mesure appliquée à l’alimentation semble attrayante à première vue, elle risque d’engendrer plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Un avantage limité pour les consommateurs
Examinons les économies potentielles pour les consommateurs. Selon les données disponibles, le ménage moyen économiserait environ 4,51 $ en taxes sur ses épiceries pendant deux mois. Au restaurant, les économies seraient légèrement plus élevées, soient autour de 19,51 $ pour la même période. Ces chiffres, bien loin des promesses de « soulagement substantiel », montrent que l’incidence réelle sera presque imperceptible pour la majorité des consommateurs.
De plus, dans le secteur de la restauration, même si les systèmes peuvent être modifiés rapidement, cette mesure bénéficiera surtout aux restaurateurs, sans inciter les consommateurs à cuisiner davantage à la maison, une habitude pourtant essentielle pour réduire les coûts alimentaires à long terme.
Un casse-tête pour les épiciers
La suspension de la TPS dans les supermarchés s’annonce chaotique. En pleine période des Fêtes, moment le plus occupé de l’année, les détaillants devront reprogrammer leurs systèmes pour s’ajuster à cette mesure temporaire. Cela implique de recoder plus de 4?000 produits taxables dans un supermarché typique, avec des règles souvent floues et sujettes à interprétation. La « réduflation », qui a modifié les formats de plusieurs produits ces dernières années, a également ajouté à la complexité : environ 200 nouveaux articles sont désormais considérés comme des collations et donc taxables, selon les critères de l’Agence du revenu du Canada.
Au Québec, l’entrée en vigueur du projet de loi 72, qui exige une meilleure transparence des prix dans les allées, atténuera un peu la confusion pour les consommateurs. Mais pour les épiciers, ces ajustements coûteront cher et surpasseront largement les maigres avantages offerts aux consommateurs.
Un effet inflationniste prévisible
Réduire temporairement la TPS pourrait même contribuer à une hausse des prix à court terme. L’histoire récente nous en fournit un exemple : lorsque la TPS est passée de 7 % à 6 % en 2006, puis de 6 % à 5 % en 2008, les prix à la consommation ont paradoxalement augmenté dans les mois qui ont suivi. Les détaillants, voyant une occasion d’ajuster leurs marges bénéficiaires, ont souvent profité de ces baisses de taxes pour augmenter discrètement leurs prix.
Un congé temporaire de TPS en décembre et janvier pourrait donc entraîner une « secousse inflationniste », accentuant les pressions sur le portefeuille des consommateurs plutôt que de les soulager.
Une politique incohérente
Cette mesure semble également en contradiction avec un message politique qui devrait encourager les familles à cuisiner à la maison, particulièrement durant les Fêtes. Alors que des produits non taxés comme la viande hachée pour préparer un ragoût de boulettes conserveront le même prix, un hamburger ou du poulet commandé en ligne deviendront moins chers. Une incohérence difficile à justifier pour un État qui devrait promouvoir des pratiques alimentaires durables et économiques.
Une meilleure solution : éliminer la TPS sur les aliments en épicerie
La taxation de la nourriture, sous toutes ses formes, soulève des enjeux moraux. Une solution durable aurait pu se traduire par une élimination complète de la TPS sur tous les aliments vendus en épicerie. Cette mesure aurait offert à chaque consommateur une économie annuelle de 20 à 30 $, tout en créant des règles claires et stables pour les épiciers. Cette stabilité limiterait les tentations de manipulation des prix pour des gains à court terme.
En conclusion, la suspension temporaire de la TPS s’avère une mesure coûteuse, inefficace et mal pensée, qui risque d’aggraver les tensions inflationnistes tout en rendant la vie plus difficile pour les détaillants. Si Ottawa souhaite véritablement aider les consommateurs, il est temps d’envisager des solutions plus cohérentes et structurelles.