En ces temps plutôt troubles où l’identité fait trop régulièrement les manchettes de l’actualité, je m’interrogeais sur les origines de quelques mythes fondateurs du Québec nationaliste d’aujourd’hui. Depuis la « crise des accommodements raisonnables » provoquée et inventée par Mario Dumont et l’ADQ en 2007, il ne se passe pas un cycle de l’actualité sans qu’on vienne nous rappeler nos origines chrétiennes de même que notre passé si « exceptionnel ». Parmi ces mythes fondateurs, on y retrouve très certainement une vision bucolique du terroir et l’héroïsme des premiers habitants à pratiquer l’agriculture.
À cet effet, tout le monde se souviendra d’un célèbre passage de la série télé « Duplessis » où ce dernier est hospitalisé et reçoit la visite impromptue du premier ministre Adélard Godbout. Dans une tirade, ce dernier remet en cause le niveau d’instruction et de compétences sociales des Canadiens français trop préoccupés par leurs bondieuseries. C’est alors que Duplessis perd les pédales et s’enlise dans une crise identitaire en glorifiant les Dames de Ste-Anne, les paysans ayant travaillé « à la sueur de leur front » et les petites gens qui composaient le Québec de l’époque. La scène était frappante, mais tellement réelle et représentative de ce passé dont nous ne devrions pas être tant fiers. Car l’éloge du Chanoine Lionel Groulx, cet historien raciste et ancré dans un Québec fermé et austère, n’est pas un élément de fierté nationale. Et pourtant !
Qu’en est-il de « nos ancêtres » ? Sont-ils si exceptionnels qu’on voudrait nous le faire croire? Pour la plupart coincés entre une soumission maladive à l’Église catholique, le manque d’accès à l’éducation et une pauvreté endémique, nos ancêtres canadiens-français n’avaient rien d’exceptionnel. Ils ont fait leur boulot avec les moyens du bord, comme ceux qui cultivaient la terre en Ontario ou dans le nord-est des États-Unis. Les rigueurs du climat étaient identiques, et les technologies pratiquement semblables.
Mais c’est au niveau de l’Éducation qu’il faut peut-être avoir un peu plus honte de notre passé et de son emprise religieuse. Dès le XIXè siècle, les juridictions de langue anglaise ont vite fait de comprendre la nécessité de séparer la religion des affaires de l’État principalement à cause des multiples confessions de fois protestantes qui coexistaient dans la société. Dans le Québec monolithique du Chanoine Groulx, ce concept d’éducation « publique » n’a pas pu exister. Ainsi, pendant que le monde anglo-saxon construisait un système d’éducation public, le Québec des bondieuseries refusait le modernisme et s’enlisait dans les écoles paroissiales et confessionnelles tout en faisant la promotion des valeurs catholiques de soumission et de pauvreté.
On ne refera pas l’histoire. Mais si le Québec n’avait pas été sous le joug de la religion catholique, et de quelques élites qui favorisait notre infériorité, nous serions peut-être aujourd’hui un membre à part entière de la fédération canadienne ou de la confédération américaine, ou même un état indépendant. Qui sait?