Roméo Bouchard entend l’écho de Bernard Demers:«Nous reste que le cimetière»

À propos du zonage agricole qui semble préoccuper de plus en plus de monde dans la société civile au Québec, Roméo Bouchard, ancien président de l’Union paysanne et auteur de nombreux livres dont les deux derniers : L’UPA, un monopole qui a fait son temps et Gens de mon pays a publié récemment sur sa page Facebook un texte de Bernard Demers qu’il juge «bref et cinglant» mais juste.

«Cet article de Bernard Demers, conseiller municipal et agriculteur de Béthanie (MRC Acton Vale), résume parfaitement l'absurdité de la gestion du zonage agricole et l'urgence de la modifier, comme le recommandait le Rapport Prononost et le Rapport Ouimet. Mais aucun politicien ne bougera parce que l'UPA protège férocement son parc industriel», de déclarer Roméo Bouchard.

Voici ce qu’écrivait le 12 juillet dernier Bernard Demers dans Le Devoir:

«Récemment, des municipalités ont demandé une révision de la Loi sur la protection du territoire agricole. En réponse, des écologistes [Fondation Susuki, Karel Mayrand] et l'Union des producteurs agricoles (UPA) dénoncent l'étalement urbain et souhaitent, au contraire, un renforcement de la loi dans son esprit actuel. Or la réalité n'est pas si simple.

Depuis 40 ans maintenant, on protège les terres agricoles. Dans les faits, pendant cette période, j'ai vu Brossard se construire sur des terres de grande qualité, j'ai vu Repentigny rejoindre L'Assomption tout au long de la 40, j'ai vu Beloeil faire pousser des maisons et des centres commerciaux en pleins champs, tout comme Drummondville. J'ai entendu le discours des régions qui se servent de l'enjeu de la ruralité pour être mieux financées, j'ai lu les propos des uns et des autres pour défendre une agriculture répondant aux besoins des Québécois. Mais surtout, j'ai vu et entendu mon village mourir.

Mon village meurt parce que la loi interdit de rebâtir une maison après un délai d'un an. Mon village meurt parce que la loi interdit de prendre une grande terre inculte de 100 hectares (1km carré) pour en faire quatre terres de 23 hectares pouvant être achetées ou exploitées par des jeunes de la relève voulant faire de la culture maraîchère, ou de petits fruits, ou du fromage. Mon village meurt parce que nous ne pouvons pas accueillir de nouvelles familles qui voudraient venir y habiter. Alors l'école a fermé. Alors l'église a été vendue. Ne nous reste que le cimetière.

Ce que je constate, c'est que la loi, en 40 ans, n'a même pas protégé les terres agricoles autour des grandes villes, n'a pas empêché l'étalement urbain, mais a tué et continue à tuer le milieu rural.

Je suis pour la protection du territoire agricole, je suis contre l'étalement urbain, mais je suis d'abord pour la sauvegarde de la ruralité. La Loi sur la protection du territoire agricole a été pensée et votée à une époque où l'aménagement du territoire consistait à séparer les fonctions plutôt qu'à en favoriser la mixité, à produire des aliments de manière industrielle plutôt que de manière artisanale, à déplacer des produits de façon massive plutôt que de penser locavore (manger localement).

Le monde a changé. Je veux sauver mon village et la centaine d'autres qui sont aussi en train d'être tués par la loi telle qu'elle est actuellement. Aussi, je demande au premier ministre du Québec et à ses trois émules de s'engager à enclencher des travaux pour que la Loi sur la protection du territoire agricole soit revue et changée pour devenir la Loi sur la protection de la ruralité dès la reprise des travaux parlementaires. Et au président de l'UPA ainsi qu'aux membres de la Fondation David Susuki, je demande d'appuyer cette requête afin que le monde rural reprenne enfin vie».

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