Tout le monde est divisé sur la question des lanceurs d’alerte. Idéalement, le lanceur répond à une situation d’urgence, de danger ou de force majeure. Il juge être contraint de le faire. Aujourd’hui, frais en mémoire, on pense à l‘affaire Snowden, à Madame Wilson-Raybould , à Louis Robert au MAPAQ et aux policiers du Québec.
Un lanceur d’alerte agit de son propre chef. Il est déloyal, mais il n’est pas nécessairement immoral. Au contraire, il se dit souvent guidé par un sens moral élevé. Un prêtre qui dénonce le comportement abject de son collègue représente un cas clair. Sauf, que tous les cas ne sont pas aussi précis. On peut assumer que le lanceur d’alerte aurait une plus grande loyauté envers sa propre cause qu’envers son milieu social. Fait notoire, c’est un geste qui nous implique dans sa décision.
Un lanceur d’alerte trahit en partie la cause (infidélité), sa religion (renégat), son pays (traitre), sa profession, son peuple. La situation se corse sérieusement quand il s’agit d’aller contre son employeur qui lui verse un salaire et plus difficile encore si l’employeur est un gouvernement. Ce dernier jouit généralement d’un haut niveau de confiance dans la population. Bien souvent l’employeur ne peut se défendre à cause de lois qui protègent l’employé ou pour des considérations humaines. À moins d’être à l’interne, on ne peut juger de la justesse de sa cause. Faute d’information ou dans le cas de doutes, on entretien une méfiance à l’égard de ceux qui se disent agir en notre nom et pour notre bien. L’altruisme, le vrai, est bien rare et discret plutôt qu’ostentatoire.
Dénoncer au monde entier une pratique de son gouvernement finit toujours par nous agacer. On en connait peu sur l’individu, sur sa réelle motivation, sur la cause en soi, sur son niveau de connaissance de tout le dossier, ni sur l’historique des deux (employé et employeur). A qui avons-nous affaire? Pourtant, nous sommes impliqués par sa décision. Dans le cas Jody Wilson-Raybould, en dépit de tout ce qui a été dit et écrit sur le sujet nous n’en connaissons presque rien. Dans tous les cas on doit se demander s’il aurait été possible, voire préférable, de sensibiliser les autorités sans recourir à la déloyauté.
Qu’est-ce que ça donne d’être impliqué par sa décision quand on ne peut rien savoir? Il devient très difficile alors de ne pas être indûment influencé et sans base rationnelle par la lorgnette des journalistes qui présentent le personnage comme sympathique ou pas.
L’histoire humaine nous enseigne qu’on est moins tolérant envers un traitre qu’envers un ennemi. A la guerre, on tue les déserteurs et les traitres bien avant de tuer l’ennemi. Certaines religions vont même jusqu’à inciter à tuer les transfuges. C’est ce qui explique en partie notre double attitude, une sympathie et une antipathie naturelle pour ceux qui sont déloyaux, même envers ceux qui nous aident à la fin. Est-ce juste? Non, mais c’est une réalité.
Dans les cas extrêmes, les psychopathes (insensibilité envers les autres) invariablement manquent de loyauté, car ils sont antisociaux. Mais ils servent leur intérêt et non pas une cause.
En fin de compte et avec le passage du temps, tout revient à une question de loyauté envers qui ou envers quoi et comment on exerce ce choix et ses conséquences. La loyauté est une qualité qui permet à l’Homme d’atteindre une certaine grandeur ou au contraire, la petitesse de son être.