C’est avec beaucoup d’intérêt que la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique (CAPÉ) attendait le dévoilement des mesures prises par le gouvernement du Québec pour accroître l’autonomie alimentaire, une mission intrinsèque à l’agriculture de proximité. Nous saluons l’annonce de l’amélioration et de la bonification du programme Productivité végétale, qui contribue à améliorer l’efficacité du travail sur les fermes.
Après une vidéo de présentation où on expose des mises en marché de proximité et alternatives, le ministre Lamontagne n’a pourtant évoqué l’agriculture de proximité qu’à la toute fin de son allocution. Il s’agit d’ailleurs du seul objectif non chiffré présenté.
Nous constatons par cette conférence de presse que le MAPAQ aborde l’autonomie alimentaire dans une approche productiviste. Nous croyons que l’autonomie alimentaire passe aussi par une autonomie plus grande dans tous les maillons de la chaîne agroalimentaire. L’autonomie alimentaire présuppose aussi le développement d’une meilleure connaissance de notre terroir et de ses ressources méconnues, de la saisonnalité et des savoirs culinaires permettant de conserver, d’apprêter et de valoriser les produits d’ici.
Le lien direct entre les producteurs et les consommateurs est une occasion de dialogue où les demandes des consommateurs (santé, bien-être animal, goût) sont entendues et où le coût de ces demandes peut être expliqué par les producteurs. Cette proximité permet de reconnecter les citoyens avec l’agriculture et les méthodes de cultures écologiques, de valoriser le travail agricole et par le fait même les fruits de ce travail passionné, contribuant à réduire le gaspillage alimentaire. Le gaspillage alimentaire représente 58% de ce qui est produit au Canada. Bien qu’il n’ait pas été abordé, ce gaspillage traduit bien le peu de valeur qu’on accorde aux aliments et son coût économique et écologique est énorme.
Le gouvernement du Québec semble aussi manquer de vision globale en considérant les questions d’environnement et d’autonomie alimentaire séparément. Ce n’est qu’en conclusion de sa conférence de presse que le ministre a fait allusion à la durabilité de l’agriculture. Les objectifs d’autonomie alimentaire ne devraient-ils pas aller de pair avec des objectifs environnementaux ? Au-delà de l’autonomie, il est important de renforcer la résilience de nos systèmes agroalimentaires, c’est-à-dire à leur capacité à résister aux chocs (pandémie, événements climatiques, contamination, etc.). Cette résilience passe par une agriculture plus diversifiée, par une diversité d’entreprises ancrées dans leurs terroirs et leurs communautés, par des réseaux de solidarité entre citoyens et producteurs et au sein de la communauté agricole, comme le Réseau des fermiers de famille et la CAPÉ. Ces regroupements permettent la collaboration et l’innovation collective.
Force est de constater que notre secteur est encore considéré comme étant « marginal », confiné à un marché « de niche ». Pourtant les études économiques, l’engouement du public et de la relève agricole démontrent que l’agriculture biologique diversifiée en circuits courts constitue une tendance, un mouvement en pleine croissance, ici comme ailleurs. Ses artisanes et artisans sont des personnes formées, innovantes, avant-gardistes et réseautées. Nous innovons autant individuellement que collectivement pour proposer les alternatives de demain afin de nourrir sainement nos communautés, et ce, sans soutien structurant de l’État.
Caroline Poirier – CAPE : Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique