Deux vaches noires ont brouté la pelouse devant la tour de Radio Canada à Montréal hier. Une image plutôt rare. Les ruminants ont suivi un cortège de près de 2000 agriculteurs qui ont manifesté dans les rues montréalaises depuis le parc Lafontaine. Tous réunis pour défendre la gestion de l’offre. Le soir au débat, les chefs en élection, ont surfé sur ce thème sans que personne n’aborde le vrai problème, l’importation massive de protéines laitières des États-Unis !
L’objectif de la manifestation à laquelle le parti québécois s’est joint était de mettre en lumière dans la campagne fédérale le thème la gestion de l’offre. La gestion de l’offre est en danger. Les deux vaches noires portaient la banderole : « 100% canadien ». Un symbole pour la production agricole canadienne sous gestion de l’offre. Mais un symbole en danger.
La nécessité de protéger le marché canadien : 1 emploi sur 8 menacé !
Différents slogans et pancartes ressortaient de la manifestation. L’idée principale étant qu’il faut protéger notre marché. Sinon, les conséquences pourraient être terribles, puisqu’un emploi sur 8 dépend au Canada des produits agricoles, de l’industrie agro-alimentaire et de la distribution de ces produits.
Comment maintenir la gestion de l’offre lorsque des accords commerciaux de libre-échange sont négociés entre le Canada et différents pays ? En cause, à court terme : la défense de la gestion de l’offre dans le cadre des négociations du Partenariat transpacifique (PTP). Les accords de libre-échange étant fondés sur l’ouverture réciproque des marchés, on comprend les difficultés des négociateurs, lorsqu’il s’agit de défendre le mécanisme de gestion de l’offre qui contrôle les importations. La fermeture des frontières provoquée par ce système en faveur de certains producteurs est contradictoire avec les principes du libre-échange.
Les enjeux en sont considérables, puisque le PTP signifie l’accès à 800 millions de consommateurs pour l’industrie canadienne.
La manifestation de jeudi avait aussi comme objectif de faire réfléchir le premier ministre Harper lors des négociations du PTP qui reprendront la semaine prochaine à Atlanta. Mais au-delà du PTP, La Vie agricole a mis en lumière ces derniers jours qu’une brèche dans la gestion de l’offre existe depuis des années pas le biais de l’importation de protéines laitières des États-Unis en augmentation permanente en terme de volume. De cela, aucun politicien ne parle !
Le PQ volontaire mais ne règle rien !
Selon André Villeneuve, le député de Berthier et porte-parole du Parti Québécois en matière d’agriculture et d’alimentation qui participait à la manifestation, « il ne faut pas toucher à la gestion de l’offre ». Il croit que le Québec ne devrait ratifier aucun accord qui ouvre une brèche dans la gestion de l’offre. « La fin de la gestion de l’offre serait une catastrophe pour l’industrie québécoise du lait ». La moitié des 6000 fermes laitières du Québec seraient mises en péril. Le constat est probablement vrai mais le parti québécois malgré sa bonne volonté ne règle rien quant aux permis fédéraux qui permettent l’importation légale de protéines laitières.
Absence de Paradis décriée par Villeneuve !
André Villeneuve regrette que le ministre Paradis n’ait pas été présent à la manifestation et doute de son intention de ne pas signer la convention Pacifique si la gestion de l’offre n’est pas protégée au Canada et au Québec. Il estime qu’il faut suivre l’exemple européen et garder un système qui fonctionne bien. « L’Europe lutte contre la déréglementation. Il faut faire de même au Québec. Villeneuve souhaite que le Québec continue à travailler sur ce sujet avec les autres Provinces, puisqu’il s’agit d’un pouvoir partagé avec Ottawa. « Il faudra continuer à le faire après l’indépendance du Québec, puisque nos économies sont imbriquées, comme en Europe ».
La protéine américaine qui contourne la gestion de l’offre canadienne
Les conséquences que pourraient avoir l’ouverture des marchés se voient déjà dans le secteur sous gestion de l’offre de la production de lait. Depuis quelques mois, un nouveau produit des Etats-Unis entre presque librement au Canada. Les douanes le considèrent comme un concentré protéique. Les protéines ne sont pas soumises aux restrictions d’importation qui sont la conséquence de la gestion de l’offre. Il s’agit d’une brèche dans la réglementation. Ces protéines américaines sont en effet du lait diafiltré, qui est un dérivé de lait, utilisé notamment par les fromagers.
Cette classification permet à ce produit d’échapper aux tarifs protectionnistes de la gestion de l’offre et de faire un tort économique considérable aux producteurs de lait canadiens. Selon les manifestants, le gouvernement fédéral devrait intervenir pour soumettre cette protéine liquide des USA à la gestion de l’offre, mais il ne le fait pas. Ce produit fausse le fonctionnement de la gestion de l’offre et fait baisser le prix du lait. La moyenne des pertes des producteurs de lait québécois causées par ce produit est de l’ordre de 1000$ par semaine. Rock, un producteur québécois rencontré durant la manifestation, a perdu 100 000$ en une année, à la suite de la baisse des prix provoquée par le lait diafiltré.